Capture d'écran du "Journal de l'Afrique" de TV5 Monde, le 5 décembre 2018, où apparaît Roland Marchal, universitaire détenu en Iran.

Capture d'écran du "Journal de l'Afrique" de TV5 Monde, le 5 décembre 2018, où apparaît Roland Marchal.

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Sa disparition était tenue secrète depuis plus de quatre mois. Le sociologue français Roland Marchal a été arrêté début juin en Iran, le même jour que sa compagne, l'anthropologue franco-iranienne Fariba Adelkhah, a révélé mardi soir Le Figaro. Les motifs de sa détention n'ont pas été rendus publics à ce jour.

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Roland Marchal a été interpellé à l'aéroport de Téhéran le 5 juin, en provenance de Dubaï, alors qu'il était venu rendre visite à Fariba Adelkhah, avec qui il entendait fêter l'Aïd, détaille dans un communiqué le Fonds d'analyse des sociétés politiques (Fasopo), dont il est membre.

Sa disparition avait été signalée le 25 juin par l'institution, et tenue secrète sur demande des autorités françaises, "qui s'étaient immédiatement engagées, au plus haut niveau, à obtenir la libération de nos collègues", détaille le Fasopo. L'Express, qui avait eu confirmation de l'arrestation de Roland Marchal en août, avait ainsi suivi les consignes des autorités et le souhait de ses collègues en ne la révélant pas publiquement.

Un spécialiste de l'Afrique subsaharienne

Mathématicien de formation, Roland Marchal est devenu sociologue, puis chercheur CNRS au Centre d'études et de recherches internationales (CERI-SciencesPo) en 1997. Contrairement à Fariba Adelkhah, le Moyen-Orient n'est pas sa spécialité, puisqu'il a consacré sa carrière à l'étude de l'Afrique subsaharienne, et plus spécifiquement de la corne de l'Afrique. Il est un fin connaisseur de la question des guerres civiles et de leur rapport à la formation des États, mais s'est aussi intéressé dernièrement à l'islam politique et à la radicalisation.

"Homme de terrain, chercheur infatigable, méticuleux et exigeant, Roland Marchal est l'un des plus fins connaisseurs de la Somalie", décrivent deux de ses collègues, Didier Péclard et Sandrine Perrot, dans un portrait publié sur le site du Fasopo. "C'est quelqu'un d'assez réservé, de très professionnel. Il est très cérébral et assez froid dans son approche des problèmes", assure également à L'Express Marc Lavergne, géopolitologue et directeur de recherche au CNRS, qui a travaillé au côté de Roland Marchal. À Paris, l'homme vit dans le XIe arrondissement, assure Le Parisien.

Une "situation inacceptable"

À Téhéran, les deux chercheurs restent soumis à ce jour "à des interrogatoires dans l'aile de la prison d'Evin, que gèrent les Gardiens de la Révolution", indique le Fasopo. Ils bénéficient tous deux de l'assistance d'un avocat, mais Roland Marchal a pu, au titre de sa nationalité française, bénéficier de la protection consulaire, et recevoir "plusieurs" visites du consul du France, durant lesquelles ce dernier lui a procuré des livres.

En revanche, les autorités iraniennes ne reconnaissent pas la double nationalité et estiment donc que Fariba Adelkhah est iranienne. Elles ont dénoncé début octobre comme une "ingérence inacceptable" une demande du ministère français des Affaires étrangères sur son cas.

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Le quai d'Orsay a exigé mercredi que soit mis fin "sans délai" à "cette situation inacceptable". "Rien ne justifie l'incarcération de Fariba Adelkhah et Roland Marchal. (...) Toute allégation quant à leur implication dans des opérations d'espionnage ou de déstabilisation est grotesque, et ne devrait que provoquer le fou rire pour qui connaît leur itinéraire professionnel et personnel, s'il ne s'agissait de leur liberté et de leur santé", écrit aussi le Fasapo dans son communiqué. Richard Banégas, également chercheur à SciencesPo-CERI, a appelé mercredi sur France Culture à la suspension des échanges culturels et scientifiques avec l'Iran dans l'attente de la libération de ses deux collègues.

Le rôle d'intermédiaire de la France

Le contentieux entre Paris et Téhéran a en outre été alourdi par l'arrestation, dans des circonstances mystérieuses, de l'opposant iranien Rouhollah Zam, vivant en France, où le statut de réfugié lui avait été accordé. Le quai d'Orsay avait "condamné fermement" en début de semaine son arrestation et assuré "suivre ce dossier avec vigilance".

Son arrestation a été annoncée lundi par les Gardiens de la révolution iraniens, l'armée idéologique de la République islamique, le qualifiant de "contre-révolutionnaire dirigé par le renseignement français". Rouhollah Zam a dirigé un canal sur la plateforme de messagerie cryptée Telegram, intitulé Amadnews, et est accusé par Téhéran d'avoir joué un rôle actif dans la contestation de l'hiver 2017-2018.

Ces arrestations interviennent alors que la France tente de jouer un rôle d'intermédiaire dans la crise ouverte entre l'Iran et les États-Unis depuis que Donald Trump a dénoncé, en mai 2018, l'accord international sur le nucléaire iranien signé trois ans auparavant, et réintroduit de lourdes sanctions économiques contre Téhéran.

Le président Macron a récemment, lors du sommet du G7 à Biarritz puis en marge de l'Assemblée des Nations Unies à New York, tenté de faciliter des tractations directes entre Washington et Téhéran, sans succès pour l'instant.

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