France-Iran : Roland Marchal libéré dans un échange de prisonniers

VIDÉO. Le chercheur français a été relâché après que Paris a remis à Téhéran l'Iranien Jalal Rohollahnejad, poursuivi par Washington. Fariba Adelkhah reste en prison.

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Temps de lecture : 5 min

Officiellement, les autorités iraniennes ont toujours démenti toute volonté d'échange d'otages concernant les deux chercheurs français retenus en Iran depuis plus de neuf mois. Pourtant, il apparaît bien qu'une « coopération mutuelle » a eu lieu vendredi soir entre la justice iranienne et le gouvernement français, selon les mots de Mizan online, l'agence de presse officielle de l'Autorité judiciaire.

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L'Iran a libéré ce samedi Roland Marchal, a annoncé dans un communiqué le président français Emmanuel Macron. Il devrait arriver en France en milieu de journée. Spécialiste de l'Afrique au Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences Po, le Français de 64 ans avait été arrêté le 5 juin 2019, à son arrivée à l'aéroport Imam-Khomeyni de Téhéran, pour « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale », un « crime » passible de deux à cinq ans de prison. Incarcéré à l'isolement dans la branche 2A de la prison d'Evin, aux mains des gardiens de la Révolution, l'armée idéologique de la République islamique, il était apparu « amaigri et fatigué » lors d'un échange vidéo avec l'ambassadeur de France en Iran fin janvier. Le 3 mars, il n'était pas apparu à l'ouverture de son procès, finalement reporté.

Demande américaine d'extradition

Quelques heures à peine avant l'annonce de sa libération, la France relâchait Jalal Rohollahnejad, ingénieur iranien détenu à Nice depuis le 2 février 2019, pour avoir contourné, selon Washington, les sanctions américaines contre Téhéran. Le 11 mars dernier, la Cour de cassation avait validé la demande d'extradition de la justice américaine, qui accuse ce spécialiste de la fibre optique d'avoir tenté de faire entrer en Iran du matériel technologique pouvant être utilisé à des fins militaires. Dès lors, son sort reposait entre les mains du Premier ministre français, Édouard Philippe, qui devait valider par décret l'extradition.

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« Bien que la demande d'extradition de Rouhollanejad ait été confirmée, le changement d'avis de la France et le rejet de la demande du gouvernement américain ont été considérés par les institutions de la République islamique d'Iran comme une réalisation importante pour notre pays ainsi qu'un gros échec pour le gouvernement américain », écrit le site de la télévision iranienne d'État. « Dans ce cadre, Roland Marchal, qui avait été condamné par le tribunal révolutionnaire de Téhéran à cinq ans d'emprisonnement pour atteinte à la sécurité nationale et avait purgé une partie de sa peine, a bénéficié d'une réduction de peine. Il a été libéré vendredi de prison et a été remis à l'ambassade de France à Téhéran ». Confié de son côté à l'ambassade d'Iran en France, Jalal Rohollahnejad est rentré en Iran dans la foulée, a annoncé dans la nuit Press TV, la chaîne en langue anglaise de la télévision iranienne d'État.

D'autres échanges par le passé

Ce n'est pas la première fois que l'Iran et la France se livrent à ce type d'échange. En juillet 2009, la France avait accepté de libérer l'Iranien Ali Vakili Rad, assassin de l'ancien Premier ministre du shah Chapour Bakhtiar, au lendemain du retour à Paris de l'étudiante française Clotilde Reiss, incarcérée puis assignée à résidence à Téhéran pendant onze mois. De la même manière, en juillet 1990, le président François Mitterrand graciait le Libanais Anis Naccache et les quatre autres membres de son commando qui avaient tenté d'assassiner en 1980 le même Chapour Bakhtiar, après la libération des derniers otages français détenus au Liban par des groupes islamistes pro-iraniens.

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Dans son communiqué, le président Emmanuel Macron ne fait aucune mention d'un quelconque échange de prisonniers. En revanche, le chef de l'État exhorte les autorités iraniennes à « libérer immédiatement notre compatriote Fariba Adelkhah ». Alors qu'elle a été arrêtée le même jour que Roland Marchal, le cas de la chercheuse franco-iranienne, anthropologue de renom et spécialiste du chiisme âgée de soixante ans, est encore plus complexe. L'Iran ne reconnaissant pas sa double nationalité, Téhéran la traite officiellement comme une citoyenne de la République islamique.

Le sort de Fariba Adelkhah inconnu

Poursuivi pour « propagande contre le système » et « collusion en vue d'attenter à la sûreté nationale », Fariba Adelkhah est détenue dans la branche commune des femmes de la prison d'Evin, où elle ne bénéficie pas de visite consulaire. Souffrant des reins, la chercheuse aurait perdu 14 kilos depuis le début de sa détention, alors que les prisons iraniennes sont durement touchées par l'épidémie de coronavirus qui sévit dans le pays. À la différence de son compagnon, Roland Marchal, elle s'était présentée à son procès le 3 mars dernier.

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En ayant été emprisonné par les gardiens de la Révolution, Fariba Adelkhah est aux mains des « durs » de la République islamique. Répondant directement aux ordres du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, les pasdarans ne dépendent ni du gouvernement ni même des services de renseignements. Ses chefs sont opposés à toute normalisation des relations avec l'Occident et cherchent à affaiblir le président « modéré » Hassan Rohani. Ils savent néanmoins faire preuve de pragmatisme, notamment lorsqu'il s'agit de desserrer l'étau des sanctions américaines qui étouffent l'économie du pays.

Iranien détenu en Belgique

Ainsi, à l'occasion du Nouvel An iranien vendredi, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, a accordé une grâce collective à 10 000 détenus, dont la moitié pour des « crimes liés à la sécurité de l'État ». Parmi les prisonniers libérés figure l'ancien militaire américain Michael White, emprisonné depuis 2018, qui a été remis à l'ambassade de Suisse à Téhéran (il n'a pas l'autorisation de quitter le pays, NDLR). Pas de trace, en revanche, de Fariba Adelkhah.

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Toutefois, le nom d'un autre détenu iranien incarcéré en Europe revient souvent dans l'affaire des détenus français en Iran. Il s'agit d'Assadollah Assadi, un diplomate iranien actuellement emprisonné en Belgique, et soupçonné par la justice belge d'être un agent du renseignement lié à un projet d'attentat déjoué contre un rassemblement en juin 2018 de l'organisation des moudjahidines du peuple, bête noire de Téhéran. « Dans cette histoire, la bonne volonté apporte la bonne volonté », confiait, il y a plusieurs semaines, un diplomate moyen-oriental. « Ce ne serait pas la première fois que ce type d'échange arriverait entre les deux pays. »

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Commentaires (8)

  • Bastogne3

    Deux innocents contre un coupable, c'est correct, non ?
    Plus jamais de complaisance avec les mollahs : pour une fois Trump a raison.

  • hallöchen

    Avec cet ex-prisonnier innocent réjouissons -nous

  • Paradise Lost

    Le reste viendra après.