Quatre jours après les faits, l’attaque perpétrée à Jawaharlal Nehru University (JNU), la plus célèbre université de New Delhi, continue d’agiter les milieux académiques indiens et les rangs de l’opposition. Des médias locaux ont commencé à révéler l’identité des assaillants masqués qui ont frappé à coups de matraques et de barres de fer les étudiants et les professeurs, samedi 4 janvier, faisant une trentaine de blessés. Des photos prises avant l’assaut et des appels à la violence diffusés sur une messagerie Internet désignent des membres du syndicat étudiant nationaliste ABVP.

Ce mouvement qui fédère aujourd’hui le plus grand nombre d’étudiants tend à s’affirmer comme une police de la pensée sur les campus, depuis l’arrivée des nationalistes du BJP (parti du peuple indien) au pouvoir en 2014. Il s’agit d’une émanation du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS, « organisation patriotique nationale »), l’organisation suprémaciste dont est issu le premier ministre Narendra Modi. Ses membres défendent une idéologie radicale selon laquelle l’identité indienne se résume à la culture hindoue.

Imposer leur loi sur les campus

Par le passé, le syndicat étudiant ABVP a orchestré à plusieurs reprises des opérations coup de poing dans les universités afin d’intimider professeurs et étudiants opposés au nationalisme hindou. En février 2016, ces militants ont sillonné les rues de New Delhi aux cris de « Fermez l’université JNU et renvoyez les traîtres », après une plainte contre le prétendu soutien d’enseignants à la cause des séparatistes du Cachemire. « La mouvance nationaliste hindoue continua ensuite à dénigrer JNU comme étant à la fois antinationale et immorale », rappelle Christophe Jaffrelot (1), politologue au Ceri-Sciences PO.

En Inde, « le pouvoir est en passe d’établir de facto un État hindou »

Ces derniers jours, la polémique enfle sur l’inaction de la police face aux assaillants de l’université JNU. Au bout de trois heures de violence, les agresseurs ont pu quitter tranquillement le bâtiment surveillé par les forces de l’ordre indiennes. « Les étudiants et les enseignants ont supplié la police d’intervenir lors de l’attaque, mais la police s’est simplement levée et a regardé les assaillants s’éloigner », rapporte Meenakshi Ganguly, directeur pour l’Asie du Sud de Human Rights Watch.

Les victimes pensent avoir été ciblées à cause du rôle moteur de l’université JNU dans la contestation contre la nouvelle loi sur la citoyenneté qui discrimine, selon ses détracteurs, les musulmans. Plus de 25 personnes ont été tuées en Inde lors de manifestations massives contre le texte depuis qu’il a été adopté le 11 décembre.

(1) L’Inde de Modi, Fayard, 352 pages, 25 €.