« Nous avons besoin d’aide », insiste, désemparée, une habitante de Cobargo, localité du sud-est de la Nouvelle-Galles du Sud, ravagée par les feux. Elle a tout perdu dans les incendies qui ravagent la côte est de l’Australie. Face à elle, son premier ministre Scott Morrison vient de la forcer à lui serrer la main, puis lui tourne le dos. « Beaucoup de gens ont perdu leurs maisons », ajoute la jeune femme, devant un ciel nuageux d’un jaune inquiétant.

« Vous n’êtes pas le bienvenu ici », rétorquent des victimes du village de Nouvelle-Galles du Sud, lors de la visite de leur dirigeant. Et un autre d’ajouter : « Vous n’obtiendrez plus aucun vote dans la région, mon pote. »

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Les images de Cobargo, largement diffusées sur les réseaux sociaux le jeudi 2 janvier, ont rendu les Australiens furieux. La colère gronde et un rejet du gouvernement, palpable, se répand au sein de la population. Le premier ministre Scott Morrison croule sous les critiques depuis le début du drame, en septembre 2019, qui a déjà brûlé l’équivalent de l’Irlande. Les Australiens lui reprochent son inaction et sa politique peu encline à réduire les émissions de gaz à effets de serre.

Des vacances à Hawaï pendant les incendies

Surtout, ils n’ont pas digéré voir leur premier ministre partir en vacances à Hawaï pendant les fêtes. « Ils ne lui pardonneront pas, affirme David Camroux, chercheur franco-australien à Sciences-Po. Je pense que ces incendies, comme le 11 septembre 2001 aux États-Unis, vont marquer durablement l’Australie. Ils vont traumatiser une génération. Scott Morrison veut jouer les copains, mais il manque de leadership. Son style populiste à la Donald Trump va lui jouer des tours. »

Même au sein de son parti, les langues commencent à se délier. « Il a bien mérité l’accueil qu’il a reçu à Cobargo », a taclé le ministre des transports de Nouvelle-Galles du Sud, Andrew Constance. De leur côté, les jeunes de son parti, le Parti libéral, ont voté en décembre une motion pour avoir une politique plus agressive contre le réchauffement climatique.

Des choix contestables

« Scott Morrison n’a plus aucune crédibilité, estime David Camroux. Il a traité les incendies avec une grande nonchalance, en pensant que c’était la responsabilité des États, alors qu’il s’agit d’un problème national », estime le chercheur. Son refus, l’an dernier, d’écouter les conseils des professionnels pour limiter les feux lui revient maintenant comme un boomerang.

Plus de 162 000 personnes ont déjà exigé sa démission dans une pétition en ligne. Apparemment insensible, il a assuré dans ses vœux pour 2020 que l’Australie est « le meilleur endroit pour élever ses enfants ».