Livre. Grand connaisseur des Etats-Unis, Denis Lacorne s’intéresse dans un étonnant essai aux velléités françaises d’importer l’un des plus récents avatars de la puissance américaine, la start-up. A travers une enquête de terrain auprès de dirigeants de la nouvelle économie Denis Lacorne cherche à identifier ce qui rend si difficile le développement d’un écosystème propre à faire fleurir, en France, ces jeunes pousses du numérique.
Cette aspiration est née sous de Gaulle, qui se rendit dès 1960 à San Francisco, où il visita l’université Stanford et la société Hewlett-Packard. Depuis, presque tous les présidents ont fait le pèlerinage sur la côte ouest américaine. François Hollande a même tenté, en 2014, par une offensive de charme, d’apaiser définitivement les « pigeons », un mouvement d’entrepreneurs du Web lancé en 2012 contre « la politique antiéconomique du gouvernement ». En révisant sa politique fiscale, le président aspirait à voir éclore une « start-up republic ».
Ce rêve d’une renaissance numérique à la française fut rapidement repris par son fringant ministre de l’économie, Emmanuel Macron. Trois mois avant le lancement de son mouvement En marche !, le futur président visitait Las Vegas pour participer à une grande foire internationale consacrée au numérique. C’est là que prit forme son espoir de transformer la France en une « start-up nation », expression qui a fait florès.
Obstacle culturel
Mais toute la difficulté, comme le note Denis Lacorne, est de marier le colbertisme à l’esprit libertaire des start-uppeurs. Comment, en effet, permettre l’essor en France de ces fameuses « licornes », ces sociétés valorisées à plus de 1 milliard de dollars (900 millions d’euros) ? Force est d’admettre que, malheureusement, les différents plans adoptés n’ont pas réussi à faire naître l’un de ces animaux fantastiques. Pour autant, tout n’est pas aussi dramatique qu’on se complaît parfois à le croire. « Des progrès significatifs » ont été enregistrés, observe Denis Lacorne. Cependant, il semblerait que l’obstacle le plus difficile à lever ne soit pas administratif, mais culturel.
L’enseignement et la formation, du primaire jusqu’aux grandes écoles, incitent encore trop au conservatisme, plutôt qu’à la prise de risque. Les connaissances acquises sont précises et permettent aux ingénieurs et aux mathématiciens français d’avoir une excellente réputation à l’étranger. Mais il leur manque cette capacité à supporter l’échec et à en faire un tremplin pour mieux rebondir.
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