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« Les sanctions économiques contre l'Iran augmentent le risque de conflit militaire »

L'Iran a subi une humiliation avec l'assassinat ciblé du général Qassem Soleimani. Le régime des mollahs peut réagir de différentes manières mais de façon limitée tant sa situation économique est dégradée.

Clément Therme est chercheur post-doctorant au sein de l'équipe « Savoirs Nucléaires » du Ceri-Sciences Po
Clément Therme est chercheur post-doctorant au sein de l'équipe « Savoirs Nucléaires » du Ceri-Sciences Po (DR)

Par Michel De Grandi, Jacques Hubert-Rodier

Publié le 3 janv. 2020 à 17:37Mis à jour le 5 janv. 2020 à 15:02

Après la mort du général Qassem Soleimani, quelle va être la réaction de l'Iran ? Va-t-on vers un embrasement ou bien Téhéran va-t-il privilégier des actions ciblées ?

L'assassinat du général Soleimani par les Américains constitue une humiliation pour l'Iran. Ce militaire était un proche du Guide suprême Ali Khamenei et occupait dans la hiérarchie une place qui n'a pas d'équivalent du côté américain. Les Iraniens vont donc devoir venger leur martyre en menant des actions asymétriques. Ils peuvent choisir de prendre des otages ou bien de cibler des alliés des Etats-Unis comme Israël, les Emirats arabes unis ou des pays européens. Ils peuvent également s'en prendre aux intérêts américains en Irak. Les possibilités de rétorsion sont limitées par les faibles capacités de l'Iran. Son économie est à genoux , les sanctions infligées au régime des mollahs ayant coûté 200 milliards de dollars et entraîné une forte récession. Une fois l'humiliation lavée, le problème économique continuera naturellement à se poser. Après avoir perdu la bataille économique, l'Iran ne peut accepter d'être bafoué sur le plan sécuritaire. Clairement, les sanctions économiques augmentent le risque de conflit militaire.

C'est donc une guerre ouverte qui se prépare ?

Il est encore trop tôt pour dire comment va évoluer la situation. Une guerre ouverte n'est pas inéluctable. Déjà parce que personne n'y a vraiment intérêt, y compris Donald Trump . Et aussi parce qu'un grand nombre d'actions peuvent être engagées de part et d'autre, pouvant aller jusqu'à des bombardements américains. Mais tant que la réplique de l'Iran n'entraîne pas la mort d'un soldat américain, la ligne rouge ne sera pas franchie. Au-delà, il y a effectivement risque de confrontation et de transformation d'une guerre larvée en un conflit ouvert avec deux options, la reddition ou l'embrasement.

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L'Iran a-t-il la possibilité de bloquer le Golfe persique ?

Tout au plus, il peut en perturber le trafic pendant quelques heures. Et il y a fort à parier que la Russie et la Chine vont se positionner en faiseurs de paix car ni l'un ni l'autre ne souhaitent un détroit fermé. Téhéran n'a aucun intérêt à tendre ses relations avec Moscou comme avec Pékin, qui sont tous les deux membres du conseil de sécurité de l'ONU.

Le général Soleimani a-t-il contribué à la création d'un arc chiite, au Liban, en Syrie, en Irak, au Yémen ?

Il n'y a pas d'arc chiite. Les réseaux d'influence de l'Iran sont fondés sur trois facteurs, liés entre eux : sécuritaire, idéologique et économique. C'est-à-dire la capacité de l'Iran à les financer et à leur donner une identité idéologique et une dimension sécuritaire. Leur raison d'être pour l'Iran c'est à la fois de projeter son influence au Levant et d'avoir des moyens de réponse face à Israël, l'allié de l'Occident. Tout cela dans une perspective asymétrique car l'Iran est faible sur le plan conventionnel mais a une capacité de nuisance. En Irak, la situation est plus complexe car Téhéran a aussi une influence au niveau du gouvernement, et pas seulement par l'intermédiaire des groupes non-étatiques. Le problème pour l'Iran, c'est que la principale force de ces réseaux, était l'antiaméricanisme. Avec la demande de démocratisation, de normalisation qui vient de la jeunesse de ces pays, l'Iran n'apparaît pas comme un modèle positif à imiter. Il n'y a pas de rêve iranien dans la région. Et ces réseaux sont en opposition aux aspirations démocratiques d'une partie de la population dans ces pays.

Le Hezbollah est-il affaibli par la disparition du général Soleimani ?

Ce n'est pas un problème de commandement, son adjoint a repris immédiatement sa succession. C'est plutôt une question d'identité révolutionnaire. Le Hezbollah est affaibli parce qu'il est perçu comme un élément de la contre-révolution, en s'opposant d'abord à une révolution démocratique en Syrie, puis en Irak.

Où en est-on dans les rivalités à la tête de l'Etat iranien ?

Le général Soleimani était un outil de la propagande régionale et il était censé redonner une légitimité aux Gardiens de la Révolution. Il ne faisait pas d'ombre au Guide suprême Ali Khamenei. Depuis l'arrivée de Donald Trump au pouvoir, les rivalités entre les factions à Téhéran ont été partiellement gommées. L'escalade américaine conduit, d'une certaine manière, à leur rapprochement.

(1) Directeur de « L'Iran et ses rivaux », Editions Passés composés

Michel De Grandi et Jacques Hubert Rodier

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