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Récit

Un deuxième chercheur français détenu en Iran

Spécialiste de la Corne de l'Afrique et des conflits armés, Roland Marchal a été arrêté en juin par les Gardiens de la révolution alors qu'il rendait visite à sa collègue Fariba Adelkhah, également emprisonnée.
par Pierre Alonso
publié le 16 octobre 2019 à 17h57

Le chercheur Roland Marchal, connu pour ses travaux sur la Corne de l’Afrique et les conflits armés, est détenu depuis près de quatre mois en Iran. Sa détention apparaît d’ores et déjà très longue pour un ressortissant étranger, les autorités iraniennes ciblant surtout les binationaux, à l’instar de Fariba Adelkhah. Cette anthropologue franco-iranienne du Centre de recherches internationales (Ceri) de Sciences-Po avait été arrêtée en juin, alors qu’elle séjournait en Iran pour ses travaux sur la circulation des clercs dans le monde chiite.

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C'est à l'occasion d'une visite privée à sa collègue que Roland Marchal, également en poste au Ceri, a été interpellé à l'aéroport de Téhéran alors qu'il arrivait de Dubaï, où il mène des recherches sur la diaspora somalienne. L'information de sa détention, qui circulait depuis plusieurs mois dans les cercles universitaires, a été publiée par le Figaro dans son édition de mercredi. Jusqu'ici, ses soutiens l'avaient tenue secrète, «en accord avec le ministère des Affaires étrangères qui était soucieux de ne pas compliquer une négociation […] en la plaçant sous le feu du jeu factionnel en Iran et de sa surenchère nationaliste», expliquent-ils dans un texte diffusé dans la nuit de mardi à mercredi.

«Situation inacceptable»

Les autorités françaises se refusaient également à commenter l'affaire. Jusqu'à la réaction, mercredi, du ministère des Affaires étrangères : «Nous souhaitons que les autorités iraniennes se montrent transparentes dans ce dossier, et agissent sans délai pour mettre fin à cette situation inacceptable.»

Si les deux chercheurs sont soupçonnés de faits similaires – espionnage pour Fariba Adelkhah et atteinte à la sûreté de l’Etat s’agissant de Roland Marchal –, leurs conditions de détention sont assez différentes : la République islamique ne reconnaît pas la double nationalité de ses ressortissants et refuse donc l’assistance consulaire à la chercheuse franco-iranienne.

Roland Marchal, au contraire, a pu recevoir la visite du consul de France en Iran. Selon France Inter, il est également assisté d'un avocat, qui a pu le rencontrer en détention le 9 octobre. Tous les deux sont vraisemblablement à la prison d'Evin, établissement à la sinistre réputation du nord de la capitale iranienne, et seraient entre les mains des Gardiens de la révolution, la puissante garde prétorienne du régime qui ne répond qu'au Guide suprême.

Médiation acrobatique

«Ce sont avant tout des chercheurs reconnus pour leurs travaux. Roland Marchal est l'un des grands noms sur les conflits en Afrique. Tous les deux ont fait des carrières internationales», souligne Marielle Debos, maîtresse de conférences en science politique à l'université Paris-Nanterre, qui a beaucoup travaillé avec Roland Marchal. Le Fonds d'analyse des sociétés politiques (Fasopo), une association à laquelle ils appartiennent tous les deux, appelle à la libération de ces «prisonniers scientifiques» et demande «la suspension de toute coopération scientifique et culturelle avec l'Iran, à l'exclusion de l'accueil des étudiants iraniens qui n'ont pas à être pris en otage par les agissements de leur gouvernement».

Ces arrestations sont intervenues alors que la France s’engageait dans une médiation acrobatique, et pour l’heure infructueuse, entre l’Iran et les Etats-Unis. Alors que la Maison Blanche met en œuvre depuis dix-huit mois une politique de «pression maximale» contre Téhéran, l’affrontement, qui s’est cristallisé dans le golfe Persique, a failli dégénérer en conflit ouvert en juin.

Début juillet, le Quai d'Orsay avait publié un avertissement de sécurité recommandant aux ressortissants français de «différer leur projet de déplacement en Iran, y compris à titre privé». Mercredi, les conseils aux voyageurs ont été mis à jour : la majorité du territoire iranien apparaît désormais en orange sur la carte, soit «déconseillé sauf raison impérative».

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