Chercheurs français détenus en Iran : un regain d’espoir est-il permis ?

Téhéran a donné récemment quelques signes encourageants. Mais les collègues de Fariba Adelkhah et Roland Marchal, comme l’Elysée, se défendent officiellement de tout optimisme.

 Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont retenus en Iran depuis le mois de juin.
Fariba Adelkhah et Roland Marchal sont retenus en Iran depuis le mois de juin. Thomas Arrive/Sciences Po/AFP/DR

    La nouvelle donne en Iran, entre paroxysme de tension et (relative) désescalade dans la confrontation avec l'Amérique de Trump, a-t-elle un impact sur le sort des deux chercheurs français emprisonnés à Téhéran depuis plus de sept mois?

    Tant du côté des collègues de Fariba Adelkhah et Roland Marchal que de l'Elysée, qui suit au jour le jour ce dossier, on se défend officiellement de tout optimisme. Néanmoins, Jean-François Bayart, politologue professeur à l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID) de Genève et proche des détenus, ne cache pas qu'après le « sentiment de dramatisation de la crise » des derniers jours, il se sent « un tout petit peu moins inquiet ».

    Certains signes confortent ce regain d'espoir. D'abord, le tribunal de Téhéran vient d'abandonner le chef d'inculpation d'espionnage à l'encontre de Fariba Adelkhah. « C'était le plus redoutable, passible en théorie de la peine de mort, souffle Bayart. Les deux chefs restants pourraient quand même lui valoir une peine d'un à cinq ans de prison ». Autre signal positif, l'anthropologue franco-iranienne a été transférée de la redoutable prison d'Evin, aux mains des Gardiens de la Révolution, à un établissement pour les détenus de droit commun, moins isolé.

    « Les Iraniens aiment souffler le chaud et le froid »

    Mais les nouvelles de la chercheuse restent rares : les autorités iraniennes, refusant de reconnaître sa double nationalité, la considèrent comme iranienne, limitant de ce fait les visites consulaires. Sa famille à Téhéran la voit, mais ne communique pas à l'étranger. « Elle poursuit sa grève de la faim, qu'elle a doublée à Noël d'une grève de la soif de 24 heures », reprend Jean-François Bayart. Ses collègues s'inquiètent pour la santé de cette sexagénaire menue, qui aurait dû rentrer en France en juin, juste avant son arrestation, pour y suivre un traitement médical… en conséquence interrompu.

    Plus préoccupant, le sort de Roland Marchal, qui resterait détenu au secret au quartier politique du pénitencier d'Evin et souffre aussi de problèmes de santé. Il ne passera, lui, que la semaine du 13 janvier devant le tribunal. Les juges feront-ils preuve du même « assouplissement » ? Rien n'est moins sûr. « Les Iraniens aiment souffler le chaud et froid », glisse Bayart… qui préfère souligner l'« excellente compétence » de l'avocat iranien et « la mobilisation » de l'Elysée et du Quai d'Orsay. Pour l'heure, le monde des chercheurs privilégie donc cette diplomatie directe et discrète à de « grandes manifs devant l'ambassade d'Iran qui fourniraient un prétexte aux Gardiens de la Révolution pour durcir leur position ».

    Côté Elysée, on se borne à rappeler que le chef de l'Etat demande, à chaque coup de téléphone à son homologue iranien Hassan Rohani, la libération des prisonniers. En insistant notamment sur le fait que Fariba Adelkhah est une citoyenne française comme les autres.

    Selon un diplomate, avec ces récents signaux positifs, Téhéran entend montrer qu'il fait bien la distinction entre ce dossier, franco-iranien, et celui du nucléaire iranien, source permanente de crispation avec les Occidentaux. Le même diplomate relève qu'Emmanuel Macron est l'un des rares à parler directement, depuis un certain temps déjà, avec Hassan Rohani. Mais il faut se garder de tout excès d'optimisme : « Ne cherchez pas une logique, seuls les Iraniens pourraient vous la donner », soupire un vieux routier de la région.