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Bertrand Badie décrypte la fable du concept d’hégémonie

Dans un nouvel essai vif, « L’Hégémonie contestée. Les nouvelles formes de domination internationale » (Odile Jacob), le politiste met en évidence les mésusages de cette obsession des pays au fil de l’histoire.

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Publié le 08 novembre 2019 à 05h15, modifié le 08 novembre 2019 à 12h04

Temps de Lecture 3 min.

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Livre. A partir de 1945, le concept d’hégémonie devient l’obsession des princes, des militaires, des diplomates, des historiens et des politistes. Alors que la puissance américaine dirige et conduit la coalition des démocraties face au totalitarisme soviétique, il était tentant de voir Washington comme la nouvelle Athènes et de laisser à Moscou les parures de Sparte. La question de l’« hégémon », autrement dit du chef d’un groupe, d’une région, voire de la planète, permettait d’éclairer les enjeux politiques, sociaux, culturels des grands basculements du monde intervenus ces derniers siècles. Mieux, elle faisait apparaître des cycles de stabilité. L’histoire se réécrivait ainsi à l’aune des périodes de maintien de l’ordre garanti par les grandes puissances. De la Grande-Bretagne victorienne au siècle américain, l’hégémonie se concevait dans la capacité d’un Etat à œuvrer pour lui-même, mais aussi pour le bien-être de l’humanité tout entière.

Dans L’Hégémonie contestée. Les nouvelles formes de domination internationale, un essai vif et tranchant, le spécialiste des relations internationales Bertrand Badie montre que l’hégémonie est, au contraire, un mythe. Cette fable, dit-il, commence en 477 avant Jésus-Christ, lorsque l’historien grec Thucydide s’empare du concept pour expliquer comment les cités grecques s’en remettent à Athènes pour les protéger contre les Perses. L’idée d’hégémonie, qui s’apparente, sinon à la servitude volontaire, du moins à l’obéissance acceptée, fait par la suite l’objet de nombreux mésusages. Bertrand Badie les met en évidence : Charles Quint échoue à remporter l’adhésion des monarchies européennes contre les Turcs ; les guerres hégémoniques de Louis XIV finissent par isoler la France et à en faire la cible de la ligue d’Augsbourg ; l’hégémonie messianique napoléonienne s’avère incapable de trouver sa voie entre domination et émancipation.

Des hégémons moins performants

De même, la bipolarité qui se met en place après 1945 est une hégémonie imparfaite dans la mesure où elle est partagée et que des « décrochages hégémoniques » s’opèrent dans chaque camp : à l’Ouest, la superpuissance américaine est relativisée par l’idée gaullienne de grandeur et par la puissance économique acquise par l’Allemagne et le Japon ; à l’Est, l’hégémonie soviétique est contestée par la Yougoslavie de Tito et par la Chine de Mao.

L’auteur y voit les symptômes d’un monde antihégémonique dans lequel nous sommes entrés à partir du moment où les décolonisations ont été ratées. Le système international bancal et conflictuel qui en est ressorti a mis en déroute petits et grands hégémons. Si la réinvention néolibérale de l’économie mondiale correspondait à une stratégie hégémonique, elle n’a réussi avec ses plans d’ajustement proposés par la Banque mondiale et le Front monétaire international (FMI) qu’à s’attirer la colère des foules des rues, du Venezuela à la Côte d’Ivoire, en passant par le Maroc et l’Egypte. Et Bertrand Badie de constater que, depuis les années 1960, moins les hégémons sont performants, plus ils ont tendance à surestimer leurs propres capacités. En témoignent les Etats-Unis qui se sont montrés incapables de gagner leurs guerres et à en sortir confortés, du Vietnam à l’Irak.

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