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Interview

« Salvini veut avoir les mains libres pour diriger le pays »

Les élections anticipées interviendront au plus tôt à la mi-octobre, une période traditionnellement consacrée aux débats budgétaires. Un moment critique qui complique un peu plus les enjeux politiques et économiques de ce scrutin, explique le spécialiste de la vie politique italienne, Marc Lazar.

Marc Lazar est un spécialiste des gauches et de la vie politique italienne.
Marc Lazar est un spécialiste des gauches et de la vie politique italienne. (SIPA/PIERREVILLARD)

Par Catherine Chatignoux

Publié le 9 août 2019 à 18:25Mis à jour le 12 août 2019 à 10:34

L'annonce du chef de la Ligue intervient en pleines vacances parlementaires d'été. Qu'est ce qui a précipité la décision de Matteo Salvini de quitter la coalition ?

On savait depuis sa naissance, le 1er juin 2018, que cette coalition était intenable. La question était plutôt : à quel moment aurait lieu la rupture. Elle aurait très bien pu intervenir au lendemain des élections européennes où la Ligue avait réalisé un excellent score et le scrutin anticipé se serait tenu avant l'été. Mais Matteo Salvini a hésité, sans doute à cause des révélations dans la presse sur les soupçons de financement de son parti par la Russie. Cela aurait risqué de peser sur la campagne électorale. Il a finalement saisi le prétexte du dépôt d'une motion du Mouvement 5 Etoiles au Sénat, visant à bloquer la liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin pour faire éclater la crise et centrer l'attention des médias sur sa personne.

A quel moment pourraient avoir lieu ces élections anticipées ?

Tout dépendra de la décision du président de la République, Sergio Matterella. Matteo Salvini qui met toujours en avant sa relation directe avec le peuple italien, a beau vouloir précipiter les choses, en espérant avoir le plus rapidement possible les mains libres pour diriger le pays, les règles constitutionnelles impliquent des délais. Au plus tôt, les élections anticipées auront lieu dans le courant du mois d'octobre, ce qui serait une première, car c'est traditionnellement la période du débat budgétaire. La question va d'ailleurs se poser de savoir s'il y aura un gouvernement technique, en charge des élections ou si c'est l'équipe sortante qui organisera le scrutin avec Salvini comme ministre de l'Intérieur et candidat au poste de futur président du Conseil. Dans ce cas, il y aurait un risque élevé de conflit d'intérêts.

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Son parti est au plus haut dans les sondages, pensez-vous qu'il pourra gouverner seul ?

Tout indique que la Ligue fera un score impressionnant car elle bénéficie d'un fort soutien populaire. L'opposition, elle, est presque inexistante, le Parti démocrate est déchiré, le Mouvement 5 Etoiles est en pleine crise comme le parti de Silvio Berlusconi, Forza Italia. La Ligue peut gagner seule ou alors l'emporter avec Frères d'Italie, Fratelli d'Italia, un parti vraiment d'extrême-droite voire néo-fasciste. Si elle voit le jour, cette majorité d'extrême droite dans les deux chambres portera inévitablement en 2022 à la tête de l'Etat italien, une personnalité qui lui sera proche.

Qu'est ce que Salvini fera en priorité s'il devient président du Conseil ?

Ayant exploité jusqu'au bout le filon de l'immigration et obtenu toutes les mesures de restriction aux migrants qu'il souhaitait, il devrait orienter ses priorités sur la relance de l'économie. Il aimerait mettre en place des réductions d'impôt en instaurant la flat tax qu'il a promise de longue date et lâcher la bride sur les dépenses publiques. Ce qui annonce une confrontation avec la Commission européenne et ses partenaires européens. C'est d'ailleurs la hantise du président Mattarella qui craint une crise ouverte aux conséquences incalculables sur l'économie italienne.

Comment ont évolué les relations entre Salvini, Di Maio et Giuseppe Conte durant ces 14 mois de gouvernement ?

Elles ont été marquées par beaucoup de divisions et de désaccords et par une compétition pour le leadership entre Luigi Di Maio et Matteo Salvini mais ce dernier s'est rapidement imposé sur les questions de sécurité et d'immigration. Il a occupé le terrain politique, multipliant les déplacements et se comportant comme s'il était en campagne permanente. Quant au président du Conseil, il a d'abord joué les médiateurs entre ses deux vice-présidents puis a tenté de s'imposer et d'occuper son habit de Premier ministre. Certains pensent qu'il pourrait créer son propre parti ou prendre la tête du Mouvement 5 Etoiles, mais je n'y crois pas.

*Marc Lazar vient de publier avec IIvo Diamanti « Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties » chez Gallimard.

Catherine Chatignoux

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