Publicité

À un mois des élections, l'Inde renforce son contrôle des réseaux sociaux

Un commerçant place les masques des candidats aux législatives sur la devanture de son échoppe, à Chennai. ARUN SANKAR/AFP

Les règles encadrant la campagne électorale vont désormais s'appliquer aux réseaux sociaux pour mieux lutter contre les «fake news». La désinformation a récemment atteint des sommets en Inde et représente une menace pour les législatives prévues du 11 avril au 19 mai.

Après dix jours de bombardement médiatique, les publicités à la gloire du premier ministre Narendra Modi ont brusquement disparu lundi des journaux indiens. Le code de conduite encadrant la campagne électorale est entré en vigueur la veille, dès l'annonce du calendrier des législatives qui doteront la plus grande démocratie du monde d'un nouveau premier ministre. Un scrutin à la mesure de ce pays de 1,34 milliard d'habitants, qui s'étendra sur plus d'un mois, du 11 avril au 19 mai. «Aucune publicité louant les actions du gouvernement, en version électronique ou papier, ne doit être diffusée avec l'argent des finances publiques», a rappelé la Commission électorale, avant d'annoncer de nouvelles règles pour limiter aussi le comportement agressif des partis politiques sur Internet. Face à l'ampleur de la désinformation en Inde, la Commission électorale va pour la première fois contrôler la campagne sur les réseaux sociaux.

A VOIR AUSSI - Comment lutter contre les Fake News?

Comment lutter contre les Fake News? - Regarder sur Figaro Live

D'après Sunil Arora, le commissaire en chef des élections, les principales plateformes de réseaux sociaux - Facebook, WhatsApp, Twitter, Google et Share Chat - se sont engagées à ne diffuser que les publicités politiques déjà validées par la Commission électorale. Les SMS et les messages vocaux, très utilisés pour faire campagne en Inde, sont dorénavant soumis à cette règle de précertification des publicités, comme le sont déjà les spots électoraux diffusés à la radio ou sur Internet. Les plateformes doivent également supprimer les contenus offensants repérés par les experts de la Commission. Les comptes des partis et des personnalités politiques seront surveillés de près. Les candidats devront d'ailleurs fournir des détails relatifs à leurs comptes Twitter ou Facebook pour se présenter aux élections. Les dépenses qu'ils effectueront pour promouvoir leur candidature sur ces plateformes seront alors directement inscrites au registre des dépenses de campagnes. Les réseaux sociaux devront enfin assurer une «période de silence» de 48 heures avant le vote. Une mesure particulièrement difficile à contrôler, les électeurs des différentes régions du pays n'étant pas appelés à voter en même temps, mais en sept phases différentes, sur près de six semaines.

«Ces nouvelles mesures envoient un signal positif. Cela montre que la Commission électorale remplit son rôle et agit. Mais surveiller tout ce qui se passe sur les réseaux sociaux est une tâche immense en Inde», prévient Charlotte Thomas, politiste et directrice du programme Asie du sud du collectif de chercheurs Noria. Le pays, dont un tiers des habitants est connecté, est particulièrement vulnérable aux «fakes news» sur Internet, aux conséquences parfois dramatiques. En 2018, des dizaines de personnes ont été lynchées à mort par des habitants, après la propagation de fausses rumeurs via l'application WhatsApp. La messagerie a dû restreindre les transferts de messages et inciter ses 200 millions d'usagers en Inde à débusquer les fausses vérités.

La lutte contre la désinformation est un défi majeur en cette période d'élections, dans un contexte de tensions ethniques et sociales attisées par les partis. Les mouvements nationalistes hindous profitent de la récente crise autour du Cachemire avec le Pakistan, majoritairement musulman, pour mobiliser leur électorat. Depuis l'attentat qui a tué 40 paramilitaires sur le territoire indien mi-février, la désinformation a pris des proportions considérables sur les réseaux sociaux. Le site indien de «fact-checking» Alt News a débusqué de nombreuses «fake news», comme des images de tanks pakistanais datant de deux ans, diffusées pour faire croire à une invasion imminente. Ou une photo prétendant montrer les dégâts causés par l'armée indienne au Pakistan, en réalité prise après le tremblement de terre de 2005 au Cachemire.

Ces fausses nouvelles ont exacerbé le sentiment nationaliste et antimusulman à travers le pays, même dans les villages les moins connectés. «Le Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste du premier ministre, est lui-même un très grand pourvoyeur de «fake news». Selon les premiers sondages, la mise en scène de la riposte de Modi face au Pakistan a servi son image de leader alors qu'il était affaibli dans les zones rurales, confrontées à d'importants problèmes économiques», souligne Charlotte Thomas. Une carte que le premier ministre entend jouer à fond pour être réélu, au risque d'accroître encore plus les divisions entre communautés.

À un mois des élections, l'Inde renforce son contrôle des réseaux sociaux

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
4 commentaires
    À lire aussi