Chine-Europe : qui fixe les règles ? / Clivage populistes contre progressistes : simple ou basique ?

Renconte sino-européenne à Paris le 26 mars 2019 // Raphaël Glucksmann, Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François-Xavier Bellamy ©AFP - T. Camus / J. Saget / L. Marin / C. Triballeau / R. Lafabergues
Renconte sino-européenne à Paris le 26 mars 2019 // Raphaël Glucksmann, Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François-Xavier Bellamy ©AFP - T. Camus / J. Saget / L. Marin / C. Triballeau / R. Lafabergues
Renconte sino-européenne à Paris le 26 mars 2019 // Raphaël Glucksmann, Emmanuel Macron, Marine Le Pen, François-Xavier Bellamy ©AFP - T. Camus / J. Saget / L. Marin / C. Triballeau / R. Lafabergues
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Retour sur l'actualité géopolitique et politique de la semaine avec le professeur de relations internationales Bertrand Badie, l'ancienne Ministre de la Culture Aurélie Filippetti, la journaliste du Monde Sylvie Kauffmann et l'essayiste Philippe Manière.

Avec
  • Bertrand Badie Professeur des relations internationales
  • Philippe Manière Président et co-fondateur de la société de conseil Vae Solis Communications
  • Aurélie Filippetti Femme politique, romancière, ancienne ministre de la Culture dans les gouvernements Ayrault puis Valls
  • Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.

Première partie : Chine-Europe : qui fixe les règles ?

Il y avait cette semaine un contraste étrange entre la beauté paisible des images et l’intensité cruciale des enjeux : magnifique était en effet la Riviera, la villa Kérylos à Beaulieu sur Mer, entre Nice et Monaco, construite sur le modèle d’une demeure de la Grèce Antique, pour satisfaire la volonté de XI Jinping de découvrir autre chose que Paris, et pour dire aussi la richesse de la civilisation européenne : cadre harmonieux pour la poignée de main entre le président français et son homologue chinois au doux sourire trompeur, les robes élégantes des premières dames, sans oublier le lendemain à l’Elysée, le dîner officiel où l’on avait reconnu la starlette française de la sitcom Hélène et les garçons, adulée en Chine, sans oublier la vente mirobolante de 300 avions Airbus !

Belles étaient les images, lourd était le contexte d’une Europe qui masquait mal sa fragilité pour résister au rouleau compresseur du géant chinois, lequel venait de convaincre un pays fondateur de l’Union, l’Italie, d’adhérer à son projet d’infrastructures maritimes et terrestres des « nouvelles routes de la soie », comme l’avaient déjà fait avant elle le Portugal, la Grèce et la Hongrie.

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Alors certes, il y avait bien eu à Paris l’image inhabituelle du front commun Macron/Merkel/Junker, accueillant à 3 un chef d’Etat étranger : sauf qu’on n’y voyait là qu’une prise de conscience tardive et embryonnaire, l‘ensemble des Européens peinant encore à affirmer une stratégie coordonnée face à Pékin. Alors on avait noté l’humour caustique d’ Angela Merkel ironique sur la façon dont la Chine vantait la dimension win-win de ses routes de la soie, censées être bénéfiques pour les deux continents tant elles allaient favoriser les échanges, sauf que comme l’avait finement remarqué la chancelière : « on voyait bien dans cette affaire les intérêts chinois….on percevait mal en revanche où était la  « réciprocité » !

Deuxième partie : Clivage populistes contre progressistes : simple ou basique ?

Un certain nombre de forces populistes montent en Europe et nous allons les combattre. Nous voulons être une force progressiste, déterminée, centrale », avait assuré mardi la désormais ex ministre Nathalie Loiseau en présentant la liste de la République en Marche pour les Européennes, composée de personnalités venues de différentes horizons, proches de François Bayrou ou ex Europe Ecologie Les verts comme Pascal Canfin par ailleurs ancien ministre de François Hollande

Etait-ce donc cette fois réellement le coup d’envoi de la bataille annoncé de longue date entre populistes et progressistes et ce clivage était il pleinement satisfaisant ? Ceux qui le défendaient mordicus prenait souvent l’exemple du vote du parlement européen contre Viktor Orban pour démontrer que la ligne de partage en Europe passait de moins en moins entre la droite et la gauche et de plus en plus entre populistes et pro européens, ou entre populistes et progressistes pour reprendre la terminologie macronienne.

Dans ce raisonnement il y avait l’idée qu’il fallait arrêter de finasser pour regarder les véritables enjeux, colossaux qui étaient devant nous : la survie de l’Etat de droit, de l’Europe et de ses valeurs, dans un monde où la puissance basculait de l’Occident vers l’Orient, des démocraties libérales vers des pouvoirs autocratiques.

Un raisonnement qui laissait sur sa faim tous ceux qui ne se résignaient pas à voir disparaître le clivage droite-gauche, et repoussait l’affrontement bipolaire progressistes/populistes à l’image de la nouvelle tête de liste du parti socialiste Rapahaël Glucksmann, qui accusait Emmanuel Macron d’avoir volé la notion de progressisme à une gauche moribonde et de l’avoir dépouillée de toute substance sociale.

Il y avait aussi ceux à droite, comme la tête de liste LR François-Xavier Bellamy, qui refusaient le clivage macronien, défendant une voie qui n’était ni le progressisme ni le populisme mais le retour à des valeurs comme la frontière, la famille, le territoire, une droite qui parlait de gestion plus rigoureuse des comptes publiques et de « conservatisme libéral ».

Bref la bataille des mots faisait rage. Parce qu’elle n’était pas affaire que de mots. Que derrière se jouait aussi la recomposition d’un paysage politique bouleversé. Voire le point de bascule d’un monde et d’une époque.

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