Massacre d'Ogossagou : le Mali au bord du chaos ?

L’attaque par une milice dans le centre du pays a fait au moins 160 morts, le pire massacre depuis la fin des principaux combats contre les djihadistes. ©AFP - DAPHNÉ BENOIT
L’attaque par une milice dans le centre du pays a fait au moins 160 morts, le pire massacre depuis la fin des principaux combats contre les djihadistes. ©AFP - DAPHNÉ BENOIT
L’attaque par une milice dans le centre du pays a fait au moins 160 morts, le pire massacre depuis la fin des principaux combats contre les djihadistes. ©AFP - DAPHNÉ BENOIT
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Au moins 134 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été massacrées dans le village peul d'Ogossagou, dans le centre du pays. Le gouvernement a décidé de dissoudre la milice dogon Dan Na Ambassagou, accusée d'avoir mené cette attaque, la plus meurtrière depuis le début de la crise en 2012.

Avec
  • Jean-François Bayart Professeur à l'Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID, Genève)

Samedi 23 mars, des hommes armés vêtus des tenues traditionnelles des chasseurs dogons sont entrés dans le village d’Ogossagou, dans le centre du Mali, pour massacrer les habitants du quartier peul. L’assaut a fait au moins 136 morts et des dizaines de blessés, plongeant la localité dans la désolation. Cette tuerie est venue confirmer les pires craintes des observateurs régionaux, qui s’inquiètent depuis des mois de l’exacerbation des violences au centre du pays. Car si les différentes opérations militaires, notamment françaises, menées au Mali depuis 2013 ont permis de défaire les djihadistes au nord, les différents groupes armés qui contestent l’autorité de Bamako sont loin d’avoir disparus. Beaucoup ont muté et se sont déplacés vers le centre du pays, venant raviver les tensions communautaires locales, sous les yeux d’une armée malienne souvent défaillante et régulièrement elle-même accusée d’exactions. Aujourd’hui, difficile de démêler ce qui, dans cette poudrière, relève de la vieille rivalité foncière entre les ethnies peule et dogon, et ce qui relève de la montée du terrorisme islamiste dans la région. Si celle-ci est réelle, notamment sous l’effet du prédicateur Amadou Koufa, qui a appelé pendant quatre ans les Peuls (musulmans) à rejoindre le jihad, jusqu’à son exécution en novembre dernier par les forces françaises, elle est également prise comme prétexte par les milices dogons pour attaquer l’ethnie concurrente. 

Qui sont les meurtriers d’Ogossagou? Quelle est la responsabilité de l’armée malienne, dont plusieurs responsables ont été limogés, dans ce massacre? Ce drame était-il évitable? Risque-t-il de se répéter? 

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Pour tenter d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations, nous recevons Jean François Bayart, professeur à l’IHEID de Genève, qui a récemment publié L'État de distorsion en Afrique de l’Ouest, chez Karthala.

L'enjeu autour de la terre :

L’enjeu du conflit, c’est un enjeu éminemment moderne : c’est la terre. C’est la terre titrisée, capitalisée, transformée en propriété foncière, dans un contexte de forte pression démographique, de stress climatique, avec des sécheresses à répétition. Jean-François Bayart.

Depuis les années 70, le Mali a connu une succession de sécheresses avec des conséquences directes : descente du front de transhumance des troupeaux de plusieurs centaines de km. Jean-François Bayart.

Les logiques qui prévalent sont des logiques de terroirs historiques… des logiques d’imbrications entre différents groupes qui se nouent autour d’intérêts… Jean-François Bayart.

Autour des troupeaux, ce n’est pas simplement la tradition, il y a des enjeux complexes et modernes : dans un troupeau vous avez les vaches des fonctionnaires, de certains agriculteurs,  des Peulhs ou d’autres groupes de pasteurs et les vaches de djihadistes, car le troupeau est aussi un moyen de blanchir l’argent des rançons ou l’argent de la démilitarisation. Jean-François Bayart.

La religion : 

Dans l’analyse de la religion, nous devons éviter deux écueils. Le premier, celui de la sur-interprétation religieuse (voir de la religion là où il n’y en n’a pas forcément). On sait comment les djihadistes ont apporté une réponse à la fois politique et juridique en mettant en avant le droit islamique, que l’Etat dit « moderne », de droit, n’apportait pas. On sait par exemple, que les djihadistes sont mieux disant dans le règlement des conflits fonciers entre éleveurs et agriculteurs. Tout cet aspect des choses est très important…. Jean-François Bayart.

Il y a une grande tradition de djihadisme qui est très complexe, l’Islam est arrivée au XIe - XIIe siècle

L'enjeu terroriste : 

Nous pourrions nous investir au Mali autrement que par le biais de dispositifs anti-migratoires

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