QUELLE DIPLOMATIE POUR LE SAINT-SIEGE ?  
Par Alain Dieckhoff, directeur du CERI

Quand il s’agit d’apprécier l’action diplomatique du Saint-Siège, les commentateurs oscillent fréquemment entre deux positions. Certains considèrent qu’étant donné le caractère indéniablement spécifique de ce sujet de droit international, dépourvu de véritable puissance, son action n’a aucune portée. Cette perception est bien résumée à travers la fameuse formule de Staline : "Le pape, combien de divisions ?". D’autres, à l’inverse, attendent beaucoup du Saint-Siège, plus qu’il ne peut finalement donner. On a pu le constater avec le voyage du pape François en Birmanie, d’aucuns semblant croire que par ses simples prises de parole, ce dernier pouvait résoudre les graves problèmes des Rohingyas devant lesquels les Etats sont soit muets, soit impuissants.

En réalité, pour appréhender la diplomatie vaticane, il convient de partir à la fois de ce qui rapproche et de ce qui distingue le Saint-Siège des Etats « normaux ». Comme ces derniers, le Saint-Siège entretient des relations diplomatiques (à ce jour avec 183 Etats), est membre de très nombreuses organisations internationales (ONU, Conseil de l’Europe, OSCE...), participe à des conférences internationales, signe des traités, etc. Il dispose pour ce faire d’un appareil diplomatique, via la secrétairerie d’Etat et des ambassadeurs (les nonces). A travers ce réseau, le Saint-Siège déploie une authentique politique internationale pour promouvoir des objectifs globaux (défense de la paix, lutte contre la pauvreté, défense de l’environnement…). Il s’agit là d’une mobilisation de nature éthico-politique, conforme au message religieux promu par l’Eglise catholique. Ce serait toutefois une erreur de ramener l’action du Saint-Siège à du pur idéalisme. Organe souverain, le Saint-Siège préserve aussi ses intérêts, sa particularité étant de ne pas défendre ses nationaux mais le "peuple catholique" transnational. Cet objectif passe par la défense de la liberté religieuse, la promotion de relations apaisées entre les Etats et l’Eglise catholique mais aussi la préservation de la liberté de nomination des évêques (enjeu particulièrement sensible en Chine). Le lien avec plus d’un milliard de catholiques passe aussi par le réseau autonome des paroisses, des mouvements, des ONG (Caritas Internationalis, Pax Christi…) qui permet à l’Eglise d’intervenir dans des domaines aussi différents que l’aide d’urgence, la microfinance, l’éducation, la santé…

Last but not least, le Saint-Siège intervient également par son activité de médiation. Celle-ci peut être directe, comme cela fut le cas en 1984, lorsque son action a permis de mettre un terme au contentieux entre l’Argentine et le Chili dans le canal de Beagle (sud de la Terre de Feu). Elle est plus souvent indirecte et passe alors par l’intervention d’organisations comme la communauté Sant’Egidio qui a joué un rôle décisif dans la signature de l’accord de paix qui a mis fin à la guerre civile au Mozambique (1992) et, plus récemment, en 2016, dans celle de l’accord de paix entre le gouvernement colombien et les FARC.

L’activité diplomatique du Saint-Siège a des constantes, des régularités parce qu’elle s’appuie sur un appareil d’Etat, mais elle est – surtout dans un système aussi centralisé que la Curie romaine – largement dépendante de l’homme qui est à la tête de l’Eglise. La personnalité et la vision des différents papes sont donc très importantes. Leurs voyages hors d’Italie constituent à cet égard un révélateur intéressant : Benoît XVI (2005-2012) a effectué 14 de ses 23 déplacements en Europe et 2 en Amérique latine mais ne s’est jamais rendu en Asie. Depuis 2013, François a effectué 21 voyages, dont 9 en Europe, 5 en Amérique latine et 3 en Asie (hors Moyen-Orient). Cette géographie des voyages témoigne de la différence de leurs priorités diplomatiques, bien plus globales chez le pape actuel.

C’est à l’exploration des ressorts de l’action multiforme de la diplomatie vaticane, dans des régions spécifiques (Amérique latine, Chine, Moyen-Orient) comme sur des sujets transversaux (désarmement, réfugiés) que s’attacheront les différents contributeurs, français comme étrangers, réunis lors d’un colloque international, le 15 décembre prochain. Avec l’objectif de mieux comprendre cet acteur singulier de la vie internationale qu’est le Saint-Siège.

 

Coup d'oeil 

Les analyses de l’Observatoire international du fait religieux disponibles en ligne

L’ensemble des bulletins réalisés dans le cadre de l’Observatoire international du fait religieux (OIR) sont désormais mis à disposition du public et accessibles en ligne

L’OIR est un projet de recherche financé par la Direction Générale des Relations Internationales et de la Stratégie du ministère des Armées*. Pour la deuxième année consécutive, son pilotage scientifique est assuré conjointement par le CERI et le Groupe société, religion et laïcité de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.

Les bulletins mensuels de l’Observatoire rassemblent les contributions de chercheurs venus de plusieurs disciplines des sciences sociales et spécialistes de différentes aires géographiques. Chaque bulletin traite des rapports entre religieux et politique, à travers trois rubriques : un "dossier" régional ou thématique, complété par un "éclairage" plus court porté sur un évènement plus ponctuel, ainsi qu’une "ressource". Cette dernière rubrique présente un document de première main, comme un article de presse, une photographie ou encore, une déclaration politique, dont les enjeux sont brièvement analysés par un chercheur. Outre la variété des sujets abordés – des aspects religieux de l’élection de Donald Trump à la religion dans les armées en passant par la "diplomatie confessionnelle" -, les bulletins ont également à cœur de rassembler des chercheurs français et étrangers, jeunes et plus confirmés, afin de proposer une grande variété de regards et des approches. Douze textes sont actuellement disponibles et le site sera mis à jour régulièrement.

Alors qu’il y a une quinzaine d’années encore, on annonçait la "mort du religieux", toutes ces contributions ont vocation à montrer la vivacité de celui-ci en soulignant la diversité du fait religieux et sa diffraction dans une multitude de sujets et d’enjeux politiques et sociétaux contemporains.

* Le CERI porte également un autre observatoire soutenu par le ministère des Armées, qui est consacré à l'Afrique de l'Est. Ses analyses sont également disponibles sur notre site web.

Brèves 

Soutenances de thèse

- Pierre Odin, "Travayè an Iarila – Les travailleurs sont dans la rue" : syndicalisme et protestation en Guadeloupe et en Martinique, sous la direction de Justin Daniel et de Lilian Mathieu (8 décembre 2017)

- Catherine Xhardez, Intégrer pour exister ? Nationalisme sous-étatique et intégration des immigrés en Flandre et au Québec, sous la direction d’Astrid von Busekist et de Yannick Vanderborght (18 décembre 2017 à l’Université Saint-Louis, Bruxelles)

Varii

David Camroux, chercheur honoraire au CERI, a été engagé par l'Ecole Française d'Extrême-Orient en tant que coordinateur pour la diffusion du projet européen Competing Regional Integrations in Southeast Asia (CRISEA). Ce projet s'inscrit dans le cadre du programe Horizon 2020 et implique 7 institutions partenaires en Europe et 6 en Asie du Sud-Est.

EVENEMENTS
Lancement d'ouvrage

Réseaux transnationaux religieux entre le Golfe et l'Asie du sud

  12/12/2017
  17:00   19:00

Séminaire de recherche

Bringing EU Studies back to Latin American Regionalisms

  14/12/2017
  15:00   17:00

Débat

Turkey and the EU in the emerging new Middle East

  14/12/2017
  17:00   19:00

Séminaire de recherche

Elections : Honduras, Chili et perspectives pour 2018-2019

  14/12/2017
  17:00   19:00

Séminaire de recherche

Les convergences des actions climatiques contre l’Etat. Étude comparée du contentieux national

  14/12/2017
  17:00   19:00

Colloque

Le pape François : une nouvelle diplomatie au Saint-Siège ?

  15/12/2017
  08:45   18:15

Colloque

Law, Technology and Privacy

  18/12/2017
  14:00   18:30

Séminaire de recherche

Crypto Party: Legal and technical protection of academic research

  19/12/2017
  13:30   15:30

Séminaire de recherche

Imran Khan of Pakistan: a new type of populist ?

  21/12/2017
  14:00   17:00

 
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