Le futur et ses paradoxes

Le futur et ses paradoxes

par Ariel Colonomos
  • Selling the Future. The Perils of Predicting Global PoliticsSelling the Future. The Perils of Predicting Global Politics

Ariel Colonomos est directeur de recherche CNRS au CERI. Dans son ouvrage "Selling the Future. The Perils of Predicting Global Politics" (Hurst / Oxford University Press), l’auteur aborde les paradoxes de la prévision et de la prédiction et interroge les entreprises du savoir d’aujourd’hui afin de montrer comment nos futurs sont façonnés par les agences de notation, les think-tanks, mais aussi les chercheurs en sciences sociales.  Entretien

Après "La morale dans les relations internationales" et votre ouvrage "Le pari de la guerre", vous avez choisi de vous intéresser au futur et aux activités de prévision et de prédiction, et à la manière dont ces dernières jouent un rôle dans notre présent et notre futur. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours de recherche? Qu’est ce qui vous a mené à travailler sur les notions d’anticipation et de prédiction ?

Ariel Colonomos : Dans mon ouvrage "La morale dans les relations internationales", je me concentrais sur l’explication d’une dynamique qui me semblait très caractéristique de la période post-Guerre Froide et des années 1990. Les Etats et les autres institutions  devaient “rendre des compte” sur leurs erreurs passées ou présentes. Il leur fallait creuser leur passé pour avancer vers le futur. Il y avait, pour moi, un besoin de comprendre les raisons d’un tel phénomène et de mesurer ses conséquences, en particulier en termes normatifs et éthiques. Dans l’ouvrage "Le pari de la guerre", je me suis attaché aux années qui ont suivi les attaques du 11 septembre 2001, qui ont initié un mouvement caractéristique de la décennie 2000, et qui, d’une certaine manière, reste l’un des marqueurs de la période que nous vivons actuellement. Face à des attaques au cours desquelles des populations civiles sont tuées dans leur propre pays, les Etats occidentaux se sont lancés dans des actions préventives. Ce faisant, ils ont parié sur l’avenir. L’action préventive est fondée sur l’anticipation, et de fait, elle est une forme de pari. On part de l’hypothèse que l’inaction serait plus couteuse et que l’utilisation de la force empêcherait des attaques futures des ennemis dont les intentions sont hostiles et dont les capacités létales se sont développées, pour justifier le fait d’attaquer en premier. Cela a des implications et des conséquences militaires, politiques et morales importantes, qu’il faut expliciter et que l’on doit discuter sur le plan normatif. Ce travail sur le pari de la guerre m’a permis de me rendre compte de l’importance des anticipations, qui sont au coeur de la prévention. Afin de pouvoir opérer des paris préventifs et ainsi réellement parier sur la guerre, les Etats ont besoin de produire des récits sur le futur. Cela m’a poussé à écrire l’ouvrage "La politique des oracles"/"Selling the Future"...

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