Elections de 2010 au Costa Rica : la voie de la continuité

Ce sont un peu plus de 2,8 millions de costariciens qui ont été invités aux urnes, dimanche 7 février 2010, pour élire leur président et les 57 députés de l'Assemblée législative pour une période de 4 ans. A l'issue d'une campagne électorale atypique, quatre candidats avaient monopolisé l'attention médiatique dans les dernières semaines : Laura Chinchilla (Liberacion Nacional), Otto Guevara (Movimiento Libertario), Otton Solis (Accion Ciudadana) et Luis Fischman (Unidad social cristiana). Selon les derniers sondages du mois de janvier, la candidate de Liberacion Nacional restait en tête recevant entre 43 et 48% des intentions de vote.

Dans cette campagne, les termes du débat se sont posés selon le clivage continuité ou changement.

C'est sur cette base que les électeurs costariciens ont du faire leur choix. Pour la continuité, la candidate du PLN, Laura Chinchilla. En guise de challengers, deux candidats. Le premier, et second de l'élection présidentielle de 2006, Otton Solis Fallas, représentant du parti de gauche Accion Ciudadana. Le second, Otto Guevara Guth, candidat de droite néolibérale, fondateur et candidat du parti Movimiento Libertario.

Dés le début de la campagne, Laura Chinchilla s'est positionnée dans la continuité du président Arias. Celle-ci de déclarer : « aunque la pequenez de algunos les impide reconocer estos avances, hoy Costa Rica debe decir Gracias, don Oscar Arias, por poner a Costa Rica a caminar de nuevo ». Otto Guevara s'était, quant à lui, fermement opposé au modèle existant : « ayudenme a hacer el cambio ya...ahora hay dos caminos : el continuismo o el cambio. La escoba vieja no barre los problemas de este pais. Vamos a barrer todos los problemas de Costa Rica ».

Un climat de campagne atypique

Il y a quelques semaines de cela, le président Oscar Arias déclarait lors d'une interview à la Prensa Libre (journal national du Guatemala) que la campagne électorale costaricienne était « ennuyeuse », manquant de musique, d'images et de symboles. Il conviendra pourtant de constater le caractère atypique de cette campagne présidentielle de 2010, caractérisée premièrement par son coût élevé et par une agressivité sans précédent entre les candidats.

La quasi-totalité des formations politiques ont manifesté leur difficulté à boucler la campagne par manque de ressources financières. Si certains ont du faire appel aux sympathisants et au bénévolat pour terminer la campagne (PAC), d'autres ont du renoncé à certaines initiatives, notamment l'impression de « camisetas » à l'effigie d'Otto Guevara (ML). En dépit de ces difficultés, nombreux sont ceux qui ont dénoncé une campagne « milionaria » à l'instar de Fransisco Molina (PAC) ou Luis Fishman, le candidat « menos malo » du parti social-démocrate (PUSC). Sur ce volet financier, un fort climat de suspicion a entouré les débats. Otto Guevara a constitué une cible privilégiée pour les autres candidats aux vues de ses relations étroites avec le monde économique. Sur ce point, Otton Solis a, d'ailleurs, demandé à la Superintendencia General de Entidades Financieras (Surgef) d'enquêter sur les crédits employés par Otto Guevara. Le même jour, la Banque du Costa Rica demandait des garanties supplémentaires au PAC leurs actions.

D'autre part, une agressivité particulière dans les débats entre candidats est à noter. Les débats télévisés ou par voies de presse se sont fréquemment transformés en règlements de compte personnels. La candidate Laura Chinchilla a du faire face à des attaques virulentes d'Otto Guevara et de son parti Movimiento Libertario concernant la nomination d'Ofelia Taitelbaum à la Defensoria de los Habitantes, épisode au cours duquel les députés libérationnistes s'étaient divisés. Ses opposants ont également tour à tour surfé sur des déclarations sarcastiques et machistes, qualifiant Laura Chinchilla de « marioneta » ou de « protegida » du président Arias.

La participation électorale : inversion historique de la courbe de l'abstention.

Au lendemain des élections, l'un des chiffres les plus attendus était celui de la participation électorale. En effet, l'un des principaux défis pour les candidats était de mobiliser et convaincre la population d'aller voter. Lors de la dernière élection présidentielle, le 8 mai 2006, l'abstention avait atteint 34,74%, soit 885 329 costariciens qui ne s'étaient pas déplacés aux urnes. Pourtant, il y a quatre ans, le débat avait été marqué par une intense polarisation autour du Traité de libre commerce entre les Etats-Unis et l'Amérique Centrale  (CAFTA-DR). Malgré cette forte politisation, l'abstention avait atteint un niveau record, inégalé depuis 1958.

Le climat de défiance se surajoutant aux nombreux scandales politiques et de corruption qui ont émaillé la vie politique du pays ces dernières années (Calderon Fournier et Miguel Angel Rodriguez) ont fait de l'abstention un enjeu central de la campagne. A la veille du scrutin, selon un sondage réalisé par l'Université du Costa Rica (UCR), 12,2% se déclarait fermement décidé à ne pas voter.

Ainsi, le scrutin de 2010 voit, pour la première fois, la courbe ascendante de l'abstention s'inverser. Le taux d'abstention, pour la première fois depuis 1986, a reculé atteignant 31%. La province de Cartago est la province où le niveau d'abstention est resté le plus bas, 75% des inscrits s'étant déplacés pour voter. A l'inverse, Puntarenas s'illustre par un taux d'abstention record atteignant 40%, 9 points de plus que la moyenne nationale. Enfin, la province de Limon enregistre le recul d'abstention le plus significatif entre l'élection de 2006 et 2010, passant de 45% à 39%.

Le succès de Liberacion Nacional

Laura_Chinchilla

Ce ne sont pas moins de 9 partis politiques qui ont pris part à ces élections présidentielles de février 2010. En 2006, 14 partis politiques avaient participé à la compétition.

Partis Politiques/Candidats

Election présidentielle

8 mai 2006

Elections présidentielle

7 février 2010

Liberacion nacional

40,92%

46,78

Accion ciudadana

39,80%

25,11%

Movimiento libertario

8,48%

20,89%

Source: Political Databases of Georgetown University, estimations La Nacion (08/02/2010)

Laura Chinchilla est la cinquième femme à être élue à la fonction suprême d'un Etat latino-américain (Violeta Chamorro - Nicaragua ;  Mireya Elisa Moscoso de Arias - Panama ; Sila Maria Calderon - Puerto Rico ; Michelle Bachelet - Chili ; Cristina Kirchner - Argentine). Cette élection intervient soixante ans après le premier vote d'une femme au Costa Rica. En dehors de ces quelques éléments symboliques, il est à noter avant tout la consolidation du score de Liberacion Nacional depuis 2006. Gratifiée tout au long de la campagne d'une large avance dans les sondages, Laura Chinchilla a récolté hier les fruits d'une campagne réussie. En valeur absolue, elle réalise un meilleur score qu'Oscar Arias en 2006 avec une augmentation d'environ six points. Un autre phénomène à constater est l'importante avance du PNL qui arrive largement en tête devant les deux candidats challengers, Otton Solís et Otto Guevara.

Peut-on qualifier d'échec le score du PAC ? En comparaison de 2006, le PAC connaît des résultats en baisse, avec une chute de près de 15 points. Si Otton Solís a tiré les leçons de sa défaite électorale en indiquant hier soir à la presse qu'il ne se représenterait plus à une élection présidentielle, le parti consolide son statut de deuxième force politique du pays. Néanmoins, la stratégie d'alliance avec le parti Integración Nacional de Walter Muñoz et Allianza Patriotica de Rolando Araya n'a manifestement pas été payante. Rassemblant les électeurs de ces deux formations politiques, les 25% atteints constituent un échec selon les premières déclarations des proches d'Otton Solís. Le député du PAC, Alberto Salom, a admis que les résultats de l'élection « étaient loin de ce qu'ils espéraient tous ». Il a précisé que cette surprise était d'autant plus forte que « cela ne se voyait pas dans la rue ».

 

Otto_GuevaraOtton_Solis

Les candidats Otto Guevara (à gauche) et Otton Solis (à droite)

 

En marge de ce revers électoral pour le PAC, il faut souligner, a contrario, l'extraordinaire progression du candidat de Movimiento Libertario, Otto Guevara. Il remporte lors de cette élection plus du double des voix obtenues en 2006 (8,48%). Avec plus de 20% des voix, Otto Guevara consolide l'influence de sa formation dans la vie politique costaricienne. Face aux nombreuses attaques dont il a pu être la cible durant la campagne, le candidat s'est félicité du résultat obtenu. Dans son premier discours, il a considéré son score comme une « victoire pour le parti ». Il a souligné qu'il se sentait désormais responsable devant le peuple du Costa Rica de rester « un parti fort qui devait tenir ses engagements pour lutter contre l'insécurité et la corruption ».

L'un des premiers enseignements de cette élection 2010 est la consolidation du pluripartisme. Une nouvelle fois, à l'instar du PAC en 2006, une formation politique se positionne en véritable troisième force. Le deuxième enseignement renvoie au choix par les costariciens de la continuité face au changement promis par les challengers Otton Solís et Otto Guevara. En cela, la victoire de Laura Chinchilla manifeste une large approbation des politiques menées par le gouvernement Arias.

 

Source :

ARAYA, Jorge Luis, Encuesta Escuela Estadistica de la Universidad de Costa Rica, « Compartamiento de indicesisos, alineamiento partidario y valoracion al TSE », www.estadistica.ucr.ac.cr

La Nacion, « Ottón Solís descarta volver a aspirar a la presidencia », 08/02/2010, http://www.nacion.com/ln_ee/2010/febrero/08/pais2252504.html

La Nacion, « Costa Rica elige a su primera presidenta », 08/02/2010, http://www.nacion.com/ln_ee/2010/febrero/08/pais2252302.html

La Nacion, « Guevara aceptó la derrota y lanzó campaña para el 2014 », 08/02/2010, http://www.nacion.com/ln_ee/2010/febrero/08/pais2252491.html

Political Database of Georgetown University, Election 2006 - Costa Rica, http://pdba.georgetown.edu/

 

 

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