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Édito
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Repenser les futurs nucléaires : vulnérabilités, nouvelles questions, nouvelles sources |
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Par Benoit Pelopidas, titulaire de la chaire d’excellence junior en études de sécurité (USPC) au CERI
Avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et les tensions entre la Russie et l’OTAN, les armes nucléaires sont à nouveau un sujet de préoccupation, y compris en Occident, au-delà du cas nord-coréen et de celui de l’Iran dont les experts nous disent depuis dix ans qu’il va se munir de "la bombe" à très court terme. Alors que les Etats dotés ont lancé ou sont en voie de lancer des programmes dits de "modernisation" qui engagent leurs communautés politiques pour au moins trois décennies et qu’un traité visant à interdire les armes nucléaires va être négocié à Genève, des choix cruciaux attendent les dirigeants des puissances nucléaires dans les cinq prochaines années. Dans un tel contexte, la recherche indépendante a un rôle essentiel à jouer : un débat public éclairé exige qu’elle instruise les termes des paris présentés. La nouvelle chaire d’excellence en études de sécurité au CERI se saisit de ce défi.
Pour repenser les termes des choix nucléaires, le programme déploie avant tout une conceptualisation renouvelée de la vulnérabilité, incluant ses composantes épistémiques et politiques, et pas seulement matérielles. En effet, dans un contexte d’information rare, secrète et manipulée, où la guerre nucléaire que tout le monde veut éviter reste sans précédent, les savoirs nucléaires et l’horizon des possibles qu’ils définissent sont beaucoup plus contingents qu’il n’y paraît. Ils dérivent de quatre types de présuppositions ou préconditions qui sont étudiées par la chaire : des institutions nucléaires porteuses d’une autorité spécifique ; des catégories spécifiques pour penser le problème, qui ont pour la plupart été forgées entre 1945 et 1965 et qui restent présentées comme un champ lexical indépassable ; des événements passés jugés susceptibles de porter des leçons sur ce qui peut ou doit être fait en matière nucléaire (la crise dite "de Cuba" de 1962 continue de ce point de vue de faire référence, de même que les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki) et les modalités spécifiques de mémorialisation ; des imaginaires des futurs possibles et impossibles qui eux aussi ont une historicité à étudier pour nourrir le débat présent.
L’objectif de la chaire est aussi de réhabiliter une recherche exigeante, indépendante et interdisciplinaire sur les mondes nucléaires, contre les trois fatalismes : la prolifération perçue comme loi de l’histoire globale ; le nucléaire comme inconnaissable ; la subordination aux pouvoirs en place comme condition de l’accès à des informations pertinentes. Il s’agit ainsi de réaffirmer la fécondité et la nécessité d’une approche interdisciplinaire de sciences sociales pour élucider les paris implicites qui fondent les choix nucléaires proposés, ou pas, aux citoyens.
Contre le fatalisme de la prolifération, qui restreint considérablement le champ des possibles et justifie rétrospectivement un grand nombre de pratiques, les recherches conduites au cours des dix dernières années par le titulaire de la chaire ont montré comment le trope de la prolifération rend invisible la stratégie majoritaire d’absence d’intérêt pour les armes nucléaires, sous-estime la fréquence du renoncement et plaque sur le passé des régularités non-existantes qui lui permettent de contraindre indument l’horizon des politiques possibles et de disqualifier les paroles et propositions alternatives. Dans le cadre de la chaire, cet effort se poursuit par une étude comparative des modèles de prévision des futurs nucléaires et de leurs conditions de production. C’est ainsi que l’un des post-doctorants de la chaire se penche sur la construction technopolitique des objets présentés comme évidemment stratégiques et les régimes de promesses technoscientifiques qui les accompagnent.
Contre le fatalisme du nucléaire comme monde inconnaissable, trois gestes sont proposés. D’abord, ce sentiment d’inconnaissable résulte d’une monopolisation de l’autorité d’une parole sur le sujet par des institutions. Par ailleurs, la recherche de la chaire formule une série de questions fondamentales. Alors qu’éviter la guerre thermonucléaire globale est un but partagé et que depuis les années 1990, un consensus a établi que la chance a joué un rôle décisif dans certains cas d’absence d’emploi de l’arme nucléaire, comment cette découverte affecte-t-elle les justifications des politiques nucléaires menées et les processus de sécurité qui les entourent ? Comment mesurer la proximité du désastre (close calls) ? Comment conceptualiser la chance ? Ce questionnement crée un univers de nouveaux cas potentiels : ceux où l’emploi des armes nucléaires a été évité de justesse, avec comme point de référence obligé, la crise de Cuba. Enfin, le troisième geste consiste à élargir les acteurs du nucléaire pour se saisir des attitudes des citoyens vis-à-vis de la vulnérabilité nucléaire afin de mesurer la réalité du changement générationnel supposé après la guerre froide. Un premier effort issu d’un sondage de plus de 10000 citoyens de l’Union européenne de moins de trente ans à ce sujet sera publié prochainement.
Enfin, l’alternative au fatalisme de l’inconnaissable contre lequel nous nous inscrivons en faux repose sur un impératif de la subordination aux pouvoirs en place comme condition de l’accès à des informations pertinentes sur le sujet. Ce fatalisme est un objet d’étude plutôt qu’une réponse à un problème profond et un pari éthique et déontologique qui ne dit pas son nom. Dans le cadre de l’étude de la construction de l’autorité sur les questions nucléaires, notamment la réflexion sur les phénomènes d’autocensure au sein de la communauté, un autre post-doctorant rattaché à la chaire poursuit une recherche sur les intellectuels français face à la crise des euromissiles des années 1980.
La rigueur des recherches menées par la chaire est garantie par une indépendance vis-à-vis de tous les intérêts en présence et l’autorité incontestée d’un conseil scientifique composé de 11 experts choisis pour leur contribution reconnue internationalement à la connaissance sur le nucléaire en particulier, la sécurité internationale ou les sciences humaines. Si l’humanité joue aux dés au bord du précipice, la modeste tâche du chercheur, que lui seul peut accomplir, consiste à élucider les formes des facettes avant qu’ils ne soient lancés au nom de tous.
La chaire, dotée d’un site web, organise un cycle de séminaires de recherche mensuels, qui débute le 21 mars. Le 5 mai 2017, une journée d’étude sera consacrée aux avancées de la connaissance nucléaire en France au cours des vingt dernières années. Outre le monde académique, elle s’adresse aux enseignants du secondaire, politiques, militaires et à tous citoyens soucieux d’approfondir de ces questions. Ses activités sont communiquées sur Twitter à @Nknowledges.
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VIENT DE PARAÎTRE
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European Review of International Studies (ERIS)
N° 3, vol. 3, 2016. Sommaire disponible en ligne.
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François Bafoil, L' inlassable désir de meurtre : guerre et radicalisation aujourd'hui
Éditions Hermann, 2017, 254 p.
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Dominique Colas, Lénine politique
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Jean-Pierre Filiu, Le miroir de Damas : Syrie, notre histoire
La Découverte, coll. "Cahiers libres", 2017, 288 p.
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Jacques Sémelin, Freedom over the Airwaves: From the Czech Coup to the Fall of the Berlin Wall
International Center on Nonviolent Conflict (Washington), 2017, 321 p.
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Monique Jo Beerli, Isabel Rocha de Siqueira, Christopher C. Leite (dir.), The Power of Numbers in Global Governance.
Numéro spécial, Global Governance: A Review of Multilateralism and International Organizations, n° 23 (1), 2017
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Thierry Chopin, Michel Fourcher (dir.), Le Rapport Schuman sur l'Europe. L'état de l'Union 2017
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COUP D'ŒIL
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Stéphanie Latte rejoint le CERI |
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Historienne et politiste, Stéphanie Latte Abdallah est chargée de recherche au CNRS (CR1). Elle a été affectée à l’IREMAM à Aix-en-Provence (2006-2013) puis à l’Ifpo dans son antenne des Territoires palestiniens (2013-2016). Elle s’est d’abord spécialisée sur les réfugiés et l’histoire des femmes dans les camps palestiniens de Jordanie, puis sur les mobilisations collectives et leurs transformations avant et après les printemps arabes, et les enjeux de la citoyenneté. Elle a particulièrement travaillé sur les engagements féminins, puis sur les féminismes, notamment islamiques, et sur le genre en Jordanie, au Moyen-Orient et dans les sociétés arabes.
Ses travaux récents ont porté sur des questions de mobilités, de frontières et d’enfermement dans les espaces israélo-palestiniens, et sur la question carcérale qui fait l’objet de son habilitation à diriger des recherches en cours d’écriture. Elle a récemment codirigé, avec Cédric Parizot, Palestinians and Israelis in the Shadows of the Wall. Spaces of Separation and Occupation (Ashgate, mai 2015). Elle a également écrit sur la relation entre images, politique, histoire et mémoire dans le conflit israélo-palestinien. Ses recherches actuelles et à venir portent sur les nouvelles mobilisations citoyennes locales liées à l’économie alternative et à l’environnement en Palestine, et au-delà. A l’intersection entre art et science, elle a par ailleurs contribué à des projets artistiques et des expositions d’art contemporain, écrit et co-réalisé un film sur la carte, les frontières et les circulations dans les espaces israélo-palestiniens (2017).
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BRÈVES
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Soutenances de thèse |
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- Alice Baillat, Le "weak power" en action : la diplomatie climatique du Bangladesh, sous la direction de Guillaume Devin (17 mars 2017)
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ÉVÉNEMENTS
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Entre police des mœurs et jihad transnational : la milice du Front des défenseurs de l'islam en Indonésie
Séminaire de recherche. 17 mars 2017, 16h30-18h30
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Accroître la mixité sociale à l'école : les politiques d’affectation au collège et au lycée
Séminaire de recherche. 20 mars 2017, 17h-19h
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Le théâtre d'ombres des relations nucléaires franco-britanniques à l'époque de De Gaulle et Macmillan, 1957-1963
Séminaire de recherche. 21 mars 2017, 17h-19h
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L'Organisation Internationale du Travail (OIT) : bilan et perspectives dans la mondialisation
Débat. 22 mars 2017, 12h30-14h30
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La Ruse et la Force. Une autre histoire de la stratégie
Séminaire de recherche. 23 mars 2017, 17h-19h
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Le populisme en théorie et dans la pratique
Débat. 23 mars 2017, 17h-19h
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The Half-Lives of Others: The Democratic Advantage in Proliferation Assessment
Séminaire de recherche. 24 mars 2017, 10h15-12h
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Journée d’études turques 2017
Colloque. 24 mars 2017, 9h-19h30
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Encounter, dialogue and knowledge: Italy as a special case of religious engagement in foreign policy
Séminaire de recherche. 24 mars 2017, 12h-14h
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Terrorisme, terroristes : le casse-tête des définitions
Séminaire de recherche. 24 mars 2017, 12h30-14h30
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Long Distance Nationalism
Séminaire de recherche. 27 mars 2017, 17h-19h
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Économie turque : à la veille d’une crise ?
Séminaire de recherche. 28 mars 2017, 17h-19h
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Les élites politiques en Amérique latine
Séminaire de recherche. 30 mars 2017, 17h-19h
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