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NEWSLETTER

24 mars 2014

Sciences Po | Ceri - CNRS  
     
 

Édito

  Russie : le retour de la politique post-impériale  
     
 

Par Jacques Rupnik, directeur de recherche au CERI

En un mois, entre la chute du régime Yanukovitch et l’annexion de la Crimée à la Russie, Vladimir Poutine a réussi a transformer ce qui était au départ le choix entre deux ensembles commerciaux en un choix géopolitique et "civilisationnel". C’est en ces termes que le président russe lui même formule les enjeux et, en bafouant l’intégrité territoriale de l’Ukraine, affirme la puissance d’une Russie qui se pose en s’opposant à l’Europe.

A la fin des années quatre-vingt, Mikhaïl Gorbatchev avait formulé le projet d’une "Maison commune européenne" où la Russie aurait sa place. Considérant que ce projet mena "à la plus grande catastrophe géopolitique » du siècle dernier" - la fin de l’URSS -, Poutine revient en force à une idée ancienne où se mêle la logique impériale et le discours sur la citadelle assiégée. Adam Michnik, l’ancien dissident à Varsovie, en conclut que c’est "la fin du quart de siècle le plus faste de l’histoire polonaise depuis quatre siècles" (Gazeta Wyborcza, 19 mars 2014). La plus faste de l’histoire centre-européenne depuis 1914, sans aucun doute.

Nous assistons, en effet, à la fin d’une époque, celle de l’après-1989 en Europe. Rétrospectivement, on mesure mieux encore le "miracle" que constituait une dissolution pacifique de l’empire soviétique. La guerre de dissolution de la Yougoslavie était là pour nous rappeler que cela n’allait pas de soi. Tous les ingrédients étaient alors réunis pour les contentieux et conflits liés à la logique de sécession et des "guerres de souveraineté" que résume bien la formule du macédonien Vladimir Gligorov de 1991: "Pourquoi serais-je une minorité dans ton Etat quand tu peux être une minorité dans le mien". Il y avait alors 25 millions de Russes en dehors des frontières de la Russie, et donc un risque que la défense des "pieds rouges" puisse s’apparenter à la défense par Belgrade des Serbes dans les républiques nouvellement indépendantes. La différence, c’est que Eltsine n’était pas Milosevic puisque c’est en tant que président de la Russie, opposé à Gorbatchev, qu’il donna le dernier coup de boutoir à l’URSS. Aujourd’hui, Poutine referme cette parenthèse et revient par la force à la logique de l’empire. Il invoque au passage un autre précédent yougoslave : le Kosovo qui, à la suite de l’intervention de 1999 et d’un référendum, s’est détaché de la Serbie.

Trois différences essentielles invalident le parallèle : l’indépendance du Kosovo fut rendue possible par une décennie "d’apartheid" sous Milosevic, alors que personne ne menaçait les Russes de Crimée. Le Kosovo est indépendant, mais non rattaché à une Grande Albanie (comme la Crimée l’est à la Russie). Enfin, un avis de la Cour Internationale de Justice de juillet 2010 considère que la déclaration d’indépendance du Kosovo n’était pas contraire au droit international, alors que le rattachement de la Crimée à la Russie est une violation du Traité de Budapest de 1994, par lequel l’Ukraine abandonnait l’arme nucléaire en échange de la garantie par les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la Russie de son intégrité territoriale.

L’Europe (re)découvre les limites du droit, mais aussi celles du soft power. Personne, bien entendu, n’a envie d’un "remake" de la Guerre de Crimée de 1854 et de la "Charge de la brigade légère" glorifiée dans le poème de Tennyson : Theirs not to make reply, Theirs not to reason why, Theirs but to do and die. Personne n’ira mourir pour la Crimée, et la prise de Sébastopol par Poutine paraît aux Européens comme un terrible anachronisme (prise d’un territoire, la Crimée vs. la perte d’influence en Ukraine). Il se peut aussi que l’Ukraine les incite à repenser la politique de voisinage de l’UE (accès au marché européen en échange de normes partagées). L’Europe n’a pas la géopolitique dans son ADN, elle s’est construite contre la logique de puissance responsable de son "autodestruction" il y a un siècle. Elle découvre aujourd’hui les limites de la puissance "normative" confrontée à celle d’une Realpolitik post-impériale.


 
 

 

VIENT DE PARAÎTRE

         
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Revue Critique Internationale, n°62, janvier-mars 2014

Dossier "Politiques du changement climatique" sous la responsabilité de Yann Bérard et Daniel Compagnon

 
         
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Christophe Jaffrelot (dir.), L'Inde contemporaine

Paris, Fayard, collection "Pluriel", 2014, 336 p.

 
         
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Bertrand Badie, Le Temps des humiliés. Pathologie des relations internationales

Paris, Odile Jacob, 2014, 256 p.

 
         
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François Bafoil, Ferenc Fodor, Dominique Le Roux (dir.), Accès à l'énergie en Europe. Les précaires invisibles

Paris, Presses de Sciences Po, collection "Développement durable", 2014, 388 p.

 
         
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Virginie Dutoya, La représentation des femmes dans les Parlements de l'Inde et du Pakistan

Paris, Dalloz, collection "Nouvelle bibilothèque de thèses", 2014.

 

COUP D'ŒIL

  Le Cériscope sur tablettes et smartphones  
     
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Le Cériscope évolue en devenant un site web adaptatif (responsive web design) pour offrir une consultation optimale de la collection sur les smartphones et les tablettes. Cette évolution ergonomique propose désormais une lecture et une navigation adaptées à votre support. Sont également rendus accessibles pour tous supports les Cartes Blanches, collection de cartes originales réalisées par l'Atelier de cartographie de Sciences Po et commentées par des chercheurs du CERI, en partenariat avec la revue Carto.

Consacré cette année au thème "Environnement et Relations Internationales", la nouvelle édition du Ceriscope comprendra plus de 30 contributions scientifiques et sera disponible à la fin de l'année 2014.

La collection Ceriscopes est une publication scientifique en ligne du CERI réalisée en partenariat avec l'Atelier de cartographie de Sciences Po. En accès libre sur internet et centrée chaque année sur un enjeu international, elle offre des analyses qui s'appuie sur de multiples supports : articles, cartes, graphiques, photographies, diaporamas, vidéos. Les trois premières éditions se sont intéressées aux frontières (2011), à la pauvreté (2012) et à la puissance (2013).

BRÈVES

  Alain Dieckhoff nommé à Princeton  
     
 

Alain Dieckhoff, directeur du CERI, a été nommé membre du conseil consultatif du Princeton Institute for International and Regional Studies (PIIRS).

  Nomination de David Camroux  
     
 

David Camroux, chercheur au CERI, maître de conférences à Sciences Po, a été nommé au Comité plénier pour l'Europe du Council for Security Cooperation in the Asia Pacific (CSCAP). Il participera aux groupes d’études du CSCAP sur les questions de sécurité asiatiques. Fondé en 1993, le CSCAP offre une plate-forme d’expertise et de discussion aux institutions régionales sur les enjeux de sécurité et de coopération en Asie.

  Soutenances de thèse  
     
 

- Kamila Waciega, Les politiques régionales de décarbonisation en Europe : le cas de la Silésie en Pologne et du Nord-Pas-de-Calais en France, sous la direction de François Bafoil (11 mars 2014).

- Cuma Cicek, Nation, religion et classe économique : construire le consensus kurde en Turquie, sous la direction de François Bafoil (18 mars 2014).

- Pooja Jain, Les partenaires pour le développement : une étude de cas sur l'Inde et le Sénégal, sous la direction de Christophe Jaffrelot (4 avril 2014)

ÉVÉNEMENTS

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The Ukraine Crisis and after

Débat.
28 mars 2014, 10h30-12h30

 
 

 
 

Le rôle de la traduction dans l'élaboration des discours géographiques européens sur l'Asie centrale

Séminaire de recherche.
28 mars 2014, 17h-19h

 
 

 
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La déchéance de nationalité aux États-Unis, une pratique discriminatoire ?

Séminaire de recherche.
31 mars 2014, 17h-19h

 
 

 
 

L´Islam, une religion américaine ?

Séminaire de recherche.
1 avril 2014, 17h-19h

 
 

 
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The United States as a "Nation of Immigrants": A Short History of an Idea

Séminaire de recherche.
2 avril 2014, 14h-16h

 
 

 
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Trajectoires énergétiques nationales et rôle de l’Union européenne

Séminaire de recherche.
4 avril 2014, 14h-16h

 
 

 
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Séminaire Droit et sciences sociales

Séminaire de recherche.
3 avril 2014, 12h30-14h30

 
 

 
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Séminaire général du CERI

Séminaire de recherche.
7 avril 2014, 12h30-14h30

 
 

 
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Le financement des Organisations Internationales

Séminaire de recherche.
10 avril 2014, 17h-19h

 
 

 
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Algérie : les enjeux nationaux et régionaux de l’élection présidentielle

Colloque.
11 avril 2014, 9h30-18h30

 
 

 
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Reporte de Economía y Desarrollo 2013

Débat.
22 avril 2014, 17h-19h

 
 

 
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Les Últimos Jueves de l’OPALC

Séminaire de recherche.
24 avril 2014, 17h-19h

 
 

 
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Organisations Internationales et gouvernance de la santé

Séminaire de recherche.
30 avril 2014, 17h-19h15

 
 

 

PUBLICATIONS

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