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Édito
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Les limites de l’entente turco-russe en Syrie |
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Par Bayram Balci
Fondées sur le pragmatisme et la complémentarité de leurs économies, les relations turco-russes ont été sérieusement secouées par la crise syrienne. L’extrême aggravation de la crise interdit toute escalade supplémentaire, qui serait dommageable aux intérêts vitaux des deux parties, et impose une coopération. En effet, alors qu’ils campaient sur des positions diamétralement opposées au début de guerre, les deux Etats ont, depuis, effectué un travail considérable de rapprochement dans de nombreux domaines. Pourtant, malgré les apparences (y compris les spéculations sur une éventuelle mise en place d’un "condominium" sur la Syrie par Ankara, Moscou et Téhéran), le rapprochement turco-russe reste fragile et il n’est pas certain, comme d’aucuns l’affirment, que la Turquie soit en train de "passer à l’Est" en remettant en cause, au profit de la Russie, son traditionnel ancrage euro-atlantique.
Quand la crise syrienne a éclaté en 2011, les Russes ont immédiatement choisi leur camp, les Turcs avec plus d’hésitation. Moscou a été et demeure un soutien inconditionnel et multidimensionnel au régime de Bachar el-Assad. Ce dernier doit sa survie et son maintien au pouvoir à l’intervention militaire du Kremlin. La Turquie, après avoir tenté d’encourager des réformes pour mettre fin à la révolte populaire, a fini par rompre avec son allié syrien. Ainsi, en prenant fait et cause pour la résistance populaire syrienne, Ankara s’est mis Moscou à dos, si bien que la Syrie est vite devenue un lieu d’affrontement par procuration entre différentes puissances régionales. La rivalité turco-russe a atteint son summum en novembre 2015 quand, après avoir infligé de lourdes pertes à des groupes rebelles soutenus par la Turquie, les Russes ont violé l’espace aérien d’Ankara, ce qui a conduit l’aviation turque à abattre un avion de chasse russe. Les représailles ont été immédiates : rupture quasi-totale des relations entre les deux pays, sanctions économiques de Moscou contre la Turquie et campagne médiatique des plus agressives contre les soi-disant soutiens turcs aux djihadistes en Syrie. La réaction de la Russie a été d’une extrême violence ; les premiers signes de normalisation apparaissent cependant en juin 2016, sept mois à peine après cette crise majeure.
Les Russes comme les Turcs ont jugé que leurs intérêts les obligeaient à aplanir leurs divergences. Les premiers ont compris qu’écarter les seconds du théâtre syrien serait néfaste à l’établissement de la paix en raison des liens d’Ankara avec divers groupes sunnites. Quant à la Turquie, isolée et lâchée par ses alliés occidentaux dans la crise syrienne, elle n’a eu d’autre choix que de reconnaître que Moscou constituait une partie de la solution en Syrie. En juillet 2016, le coup d’Etat militaire avorté en Turquie a facilité le rapprochement entre les deux pays. En effet, celui-ci n’a été que tardivement et mollement condamné par les alliés occidentaux qui ont donné l’impression qu’ils n’auraient pas été opposés à ce qu’un putsch vienne mettre fin à la dérive islamo-autoritaire du maître d’Ankara. Le président Erdogan s’est par conséquent judicieusement tourné vers Poutine, trop heureux de manifester sa solidarité à un membre de l’OTAN en froid avec les autres pays de l’alliance.
Conscients de leurs intérêts mutuels, les deux pays ont donc tout fait pour accorder autant que faire se peut leurs positions sur la Syrie, passée de fait sous le protectorat de trois tutelles : russe, turque et iranienne. Ce triumvirat semble avoir jeté les bases d’un début de solution pour la Syrie lors du processus de Moscou qui a débuté en novembre dernier, et plus fondamentalement lors de la conférence internationale organisée à Astana en janvier 2017. Davantage que l’Iran, la Russie et la Turquie sont celles qui semblent désormais fixer les règles du jeu et négocier les conditions d’une solution pour Damas. Pour l’instant, l’accord tacite semble prévoir que Moscou, qui de fait contrôle le ciel syrien, accepte la présence d’Ankara en Syrie, alors qu’il s’alignait jusqu’ici sur Bachar el-Assad et considérait le soutien turc aux rebelles comme une ingérence et la Turquie elle-même comme une puissance envahissante. Moscou accepte que l’armée turque entre en territoire syrien, le long de la frontière entre les deux pays, pour assurer sa sécurité, c’est-à-dire surveiller et contenir la guérilla kurde. Ce qui revient pour Moscou à diminuer son soutien aux forces kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), branche armée du Parti de l'union démocratique (PYD) qu’Ankara considère comme une organisation terroriste liée au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). En échange, Moscou a obtenu de la Turquie qu’elle exerce une certaine pression sur les groupes rebelles qui lui sont liés pour évacuer Alep. Le retour de cette ville, qui a été le plus important bastion de résistance au régime de Damas, dans le giron de Bachar el-Assad est une concession de poids pour la Turquie.
Est-ce à dire que Russes et Turcs ont réussi à surmonter leurs divergences sur le dossier syrien et qu’on s’achemine vers une solution à la crise ? Probablement pas et loin s’en faut, étant donné le nombre de questions restant en suspens. Pour Ankara, la question fondamentale n’est plus le sort de Bachar el-Assad mais l’émergence de l’autonomie d’une partie des Kurdes en Syrie qu’elle considère comme une menace directe pour sa sécurité. Or, sur ce dossier, la Russie ne compte nullement donner satisfaction à la Turquie. Elle vient de déclarer qu’elle ne considère pas le PKK et le PYD comme des organisations terroristes. Enfin, l’alliance turco-russe en Syrie peut être à tout moment fragilisée par le jeu du troisième acteur du triumvirat, l’Iran, dont les objectifs et les attentes diffèrent de ceux de Moscou et d’Ankara. Malgré l’accalmie due aux initiatives coordonnées de la Turquie, de la Russie et de l’Iran, le terrain syrien demeure un inextricable chaos et aucun signe d’amélioration à court ou à moyen terme n’est réellement discernable.
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VIENT DE PARAÎTRE
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Philippe Bonditti, Didier Bigo, Frédéric Gros (dir.), Foucault and the Modern International. Silences and Legacies for the Study of World Politics
Palgrave Macmillan, coll. "The Sciences Po Series in International Relatons and Political Economy", 2017, 376 p.
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OPALC, L'Amérique latine. L'année politique 2016
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Anne de Tinguy (dir.), Regards sur l’Eurasie - L’année politique 2016
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Cristina Giudici et Catherine Wihtol de Wenden, I nuovi movimenti migratori: il diritto alla mobilità e le politiche di accoglienza
Franco Angeli, 2016, 192 p.
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Hélène Thiollet (dir.), Migranci, migracje. O czym warto wiedzieć, by wyrobić sobie własne zdanie
Karakter, 2017, 240 p. (traduction polonaise)
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Jana J. Jabbour, La Turquie, l'invention d'une puissance émergente
CNRS Editions, 2017, 345 p.
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Sandrine Perrot, Marie-Emmanuelle Pommerolle et Justin Willis (dir.), Matérialités du vote
Dossier de la revue Politique africaine, n° 144, décembre 2016.
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Hélène Thiollet et Leila Vignal (dir.), Transnationaliser la Péninsule arabique : dynamiques locales, régionales et globales
Dossier de la revue Arabian Humanities, n° 7, février 2017.
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COUP D'ŒIL
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Laboratoire International Associé (LIA) : Sociologie des élus nationaux et régionaux du Raj à l’Union Indienne contemporaine |
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"Laboratoire sans murs", un LIA associe des équipes d’un centre de recherche affilié au CNRS et d’un établissement étranger, qui mettent en commun leurs ressources, pendant quatre ans, pour réaliser ensemble un programme scientifique. La création d’un LIA relève de la décision du CNRS. Avec le projet sur les élus indiens, c’est la première fois que le CERI se trouve impliqué dans un tel dispositif.
Portant sur les caractéristiques politiques et socio-économiques des élus indiens depuis l’époque coloniale, ce LIA s’intéresse à l’ensemble des élus nationaux et régionaux, depuis les premières élections organisées au sein du Raj après les réformes de 1919 jusqu’à nos jours, ainsi que sur les candidats des principaux partis. Il implique la combinaison d’approches qualitatives et quantitatives, essentielles pour définir les catégories d’analyse pertinentes et pour traiter les données collectées.
Les résultats attendus de ce travail sont de plusieurs ordres : constitution d’une base de données de référence à laquelle les chercheurs internationaux auront accès ; analyse du profil sociologique des élus indiens et de son évolution du point de vue des variables classiques (genre, âge, profession, niveau d’études, patrimoine, etc.), mais aussi du point de vue de la caste, de la tribu et de la religion (dont l’identification nécessite souvent un travail de terrain) ; étude du phénomène dynastique, certaines circonscriptions étant dominées par les mêmes familles sur plusieurs générations ; examen des poursuites judiciaires dont les élus font l’objet. La création du LIA permet trois types de retombées majeures : d’une part, des transferts de compétences entre spécialistes des méthodes quantitatives et qualitatives, entre Français et Indiens et entre chercheurs seniors et juniors (y compris doctorants) ; d’autre part, des événements publics, en Inde, en France, en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, les pays d’où viendront les participants ; et enfin, des publications dans les revues de référence de la discipline et dans les meilleurs presses universitaires internationales.
Le projet associe quatre partenaires. En France, il bénéficie de l’effet structurant des collaborations anciennes du CDSP et du CERI, deux unités qui travaillent avec les équipes du partenaire indien, l’Université Ashoka, depuis la création de cette dernière et même avant pour certains de leurs membres. Les équipes françaises et indiennes jouissent d’une rare complémentarité dans la collecte des données (une spécialité de l’Université Ashoka), leur traitement (une spécialité du CDSP) et leur interprétation (un point fort du CERI, du Centre Emile Durkheim de Sciences Po Bordeaux et de l’Université Ashoka).
Autour du porteur du projet, Christophe Jaffrelot, l’équipe scientifique comprend Anne-Sophie Cousteaux et Geneviève Michaud du CDSP, Virginie Dutoya (Centre Emile Durkheim), ainsi que Rajkamal Singh et Gilles Verniers (Université Ashoka).
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BRÈVES
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Soutenances de thèse |
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- Giulia Romano, De Berlin à Yangzhou : une
enquête sur le transfert de la Rénovation urbaine douce et les capacités
d’une ville chinoise d’apprendre la durabilité, sous la direction de Richard Balme (24 février 2017)
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ÉVÉNEMENTS
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Le Mouvement 5 étoiles, un non-parti de masse
Séminaire de recherche. 22 février 2017, 18h-19h30
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Abroad at any cost: Brokering High-risk migration and illegality in West Africa
Séminaire de recherche. 23 février 2017, 16h30-18h30
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+ d'infos
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Contesting Democracy in Multinational Settings
Séminaire de recherche. 27 février 2017, 17h-19h30
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L'Eurasie vingt-cinq ans après l'effondrement de l'URSS
Débat. 2 mars 2017, 17h30-19h30
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Les attentats du 13 novembre : mémoires individuelles, mémoire collective
Séminaire de recherche. 2 mars 2017, 12h45-14h15
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La politique culturelle en Turquie sous l’AKP
Séminaire de recherche. 6 mars 2017, 17h-19h
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+ d'infos
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Diplomaties publiques comparées : arènes, instruments et professionnels de la légitimation internationale
Séminaire de recherche. 7 mars 2017, 14h-17h30
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+ d'infos
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Les pratiques de diplomatie militaire
Séminaire de recherche. 8 mars 2017, 12h30-14h30
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+ d'infos
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Afghanistan as an Arena of Regional Insecurity
Débat. 9 mars 2017, 10h30-12h30
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+ d'infos
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La gouvernance de l'Océan, nouvel enjeu des sciences de la soutenabilité
Séminaire de recherche. 15 mars 2017, 17h-19h
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Radicalisation et djihadisme
Débat. 21 mars 2017, 17h-19h
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Le populisme en théorie et dans la pratique
Débat. 23 mars 2017, 17h-19h
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PUBLICATIONS
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