|
Édito
|
Ethique et relations internationales : des sœurs ennemies ? |
|
|
|
|
|
Par Frédéric Ramel, professeur des Universités à Sciences Po, chercheur au CERI
C’est bien connu.
Morale et relations internationales ne font pas bon ménage. Elles relèveraient
de deux logiques radicalement différentes : construction d’une vie juste pour
l’une, recherche de la survie pour les autres. Une telle représentation ne résiste
pas à l’analyse. Tout d’abord, la plupart des internationalistes ne rejettent
plus la dimension normative. Toujours forte aux Etats-Unis, la vague
positiviste n’empêche pas l’identification de dilemmes moraux sous-jacents à
toute action internationale. Les partisans de l’Ecole anglaise l’avaient bien
compris comme l’attestent les écrits de Martin Wright ou bien d’Hedley Bull.
Mais d’autres l’ont également intégré, y compris ceux qui paraissaient a priori hostiles aux jugements de
valeur à l’instar des réalistes classiques. Il suffit de penser à Hans
Morgenthau et sa promotion d’une éthique du moindre mal.
Ensuite, et plus
fondamentalement encore, tout événement international peut faire l’objet d’une
double appréhension. En tant que fait social qui nécessite une explication scientifique
d’une part ; en tant que fait moral qui oblige à l’évaluation éthique d’autre
part. L’actualité la plus brûlante en témoigne de façon significative. Guerre
en Syrie, crise ukrainienne, affaire Snowden. Au-delà des analyses qui
permettent de rendre ces événements intelligibles surgissent des interrogations
à caractère moral : faut-il intervenir militairement pour renverser
définitivement le régime syrien ? Faut-il sanctionner la Russie à la suite
de l’annexion de la Crimée et si oui, quelles seraient les sanctions justes ?
Doit-on remettre en question les pratiques de surveillance au nom d’un principe
de transparence ? Toutes ces questions ne renvoient pas aux théories
scientifiques au sens strict – décrire et expliquer les interactions
internationales – mais aux théories normatives des relations internationales,
lesquelles consistent à prescrire des conduites ou à formuler des jugements
moraux. Certes, sphère morale et sphère internationale ne se confondent pas
mais elles s’interpénètrent de maintes façons. Qui plus est, elles ne s’intéressent
plus exclusivement aux seules questions de guerre ou de paix. Si l’éthique
militaire se densifie aujourd’hui avec l’identification de nouveaux enjeux comme
l’usage des drones ou encore les perspectives technologiques de l’homme
augmenté, elle ne résume plus à elle seule les dilemmes moraux internationaux. Ceux-ci
concernent l’architecture mondiale – avec la réforme des Nations unies et les
appels à de nouvelles conceptions cosmopolitiques –et s’étendent à la santé,
aux migrations, aux finances, à l’environnement. Le monde serait-il meilleur et plus juste si
nous avions des frontières ouvertes ? Qu’est-ce qu’un compromis acceptable
pour une organisation humanitaire ? Est-il seulement possible d’atteindre
une gouvernance globale juste et efficace ? En
d’autres termes, l’éthique des relations internationales se pare d’autres vêtements
que ceux de l’éthique de la politique étrangère, laquelle se focalise sur
l’action des Etats – jamais vraiment éloignée de la tragédie. Elle se
transforme en éthique du « milieu mondial ». Celui-ci ne correspond plus
à l’environnement naturel stricto sensu. Il dessine une société mondiale dont
la densité morale, pour reprendre l’expression de Durkheim, ne cesse de
s’amplifier. En effet, comment ne pas voir, derrière les enjeux relatifs à la
santé, aux migrations, aux finances, ou à l’environnement, l’expression de
représentations collectives plus ou moins partagées qui peuvent progressivement
donner sens à une forme sociale élargie à l’humanité toute entière ? Les
réponses à cette question ne sont évidemment pas consensuelles mais elles ont le
mérite de renouveler les traditions morales et d’établir les termes de nouveaux
débats.
C’est d’ailleurs
tout l’objectif du colloque Ethique des
relations internationales qui se tiendra au CERI les 26 et 27 mai prochains. Dans
le prolongement d’un ouvrage éponyme co-dirigé par Ryoa Chung et Jean-Baptise
Jeangène Vilmer (Paris, PUF, 2013), il est organisé en partenariat avec le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère des Affaires
étrangères et l’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (ministère
de la Défense) avec le soutien du Centre de recherche en éthique de
l’Université de Montréal (CREUM) et le Centre de recherche en droit public de
l’Université de Montréal (CRDP). Le fait que cette manifestation soit portée
conjointement par des établissements de recherche et des organes ministériels
atteste d’une confluence de préoccupations, celle du scientifique et celle du
praticien, face aux enjeux normatifs internationaux. Preuve également de la
vitalité des programmes consacrés aux relations internationales qui intègrent la dimension normative : le colloque
associe des chercheurs francophones provenant de diverses disciplines.
Signalons également
que le calendrier des événements du CERI en ce mois de mai est particulièrement
riche dans le domaine des relations internationales. A l’occasion de ce
colloque, la nouvelle revue European
Review of International Studies (ERIS) fera l’objet d’un lancement officiel
le 26 mai à 18h. Co-dirigée par John Groom et Christian Lequesne, elle constitue
une nouvelle offre bienvenue sur le marché éditorial en langue anglaise. Eris,
déesse de la discorde au sein de la mythologie grecque, personnifie aussi le
courage et l’émulation, vertus dans le prolongement desquelles s’inscrit la
ligne de la revue. Le premier numéro portera sur une comparaison des diverses
manières de concevoir ce champ scientifique. Une contribution qui entre
parfaitement en résonance avec l’agenda de la recherche la plus récente à
l’instar du thème du prochain congrès de l’International Studies Association :
Global IR
and Regional Worlds: a New Agenda for International Studies.
On le voit.
L’actualité des relations internationales au CERI est dense. Il n’y avait pas
meilleur symbole en ce mois de mai qui est aussi celui du renouveau.
|
|
|
|
|
|
|
|
VIENT DE PARAÎTRE
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Laurent Gayer, Karachi. Ordered Disorder and the Struggle for the City
Londres, Hurst & Co, 2014, 336 p.
Présentation et bonnes feuilles sur le site du CERI.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Françoise Daucé, Les médias en ligne en Russie : les jeux ordinaires du contrôle politique
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Revue Critique Internationale, n°63, avril-juin 2014
Dossier "Vers un renouveau de l'Etat développeur en Asie", sous la responsabilité de Pauline Debanes et Sébastien Lechevalier
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Olivier Grojean et Merve Özdemirkiran (dir.), Le Kurdistan d’Irak et la question kurde au Moyen-Orient
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Dominique Colas, Lénine, la “révolution culturelle” et les paysans
Préface de : Lénine, "Mieux vaut moins, mais mieux", Paris, Editions de l'Eclat, 2014, 128 p.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Jean-François Bayart, Le plan cul. Ethnologie d'une pratique sexuelle
Paris, Fayard, 2014, 200 p.
|
|
|
|
|
|
|
|
COUP D'ŒIL
|
|
|
|
|
ERIS : naissance d’une nouvelle revue de relations internationales |
|
|
|
|
|
Début mai 2014, est paru le premier numéro de la nouvelle revue European Review of International Studies (ERIS). Portée institutionnellement par le CERI et par la Canterbury Christ Church University, ERIS est une revue à comité de lecture qui s’adresse à tous ceux
qui s’intéressent à l’étude des relations internationales en Europe. Ses fondateurs
et corédacteurs en chef, John Groom et Christian Lequesne, ont voulu, avec
ERIS, créer une revue de relations internationales qui reflète la diversité
réelle des travaux sur l’international et tienne compte de la pluralité
linguistique de l’Europe. Publiée en langue anglaise, ERIS accepte d’évaluer,
puis de publier en cas d’avis favorable, des articles rédigés initialement dans
toutes les langues européennes. De même, elle publie des recensions d’ouvrages
parus dans les principales langues européennes. Paraissant trois fois l’an aux httpaux éditions Barbara Budrich à Londres, ERIS
accueillera des manuscrits sur
les principaux thèmes des relations internationales mais aussi de la sociologie
de l’international.
Les deux corédacteurs en chef sont assistés d’un comité de rédaction et d’un
comité scientifique international présidé par Bertrand Badie. En plus du CERI
et de l’Université Christ Church, ERIS bénéficie du soutien de l'Association des Internationalistes, de l’ESSEC, du
Finnish Institute of International Affairs, de l’Institut des Hautes Etudes Internationales
et du Développement de Genève, de l’IRSEM et de la Compania di San Paolo de
Turin.
|
|
|
|
|
BRÈVES
|
|
|
|
|
Légion d'honneur |
|
|
|
|
|
Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des migrations internationales, directrice de recherche CNRS au CERI, a été nommée au grade de chevalier de la Légion d'Honneur à l'occasion de la "promotion de Pâques" (décret du 18 avril 2014).
Cette promotion honore également deux autres femmes parmi la communauté scientifique de Sciences Po : Nonna Mayer, directrice de recherche CNRS au Centre d'études européennes et Christine Musselin, directrice scientifique de Sciences Po. En savoir plus.
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Soutenances de thèses |
|
|
|
|
|
- Arthur Laurent, Le standardisme comme mode de
gouvernance : certification carbone volontaire
et secteur péruvien des foyers de cuisson, sous la direction d'Olivier Dabène (14 avril 2014).
- Hélène Dieck, The
influence of American public
opinion on U.S.
military interventions after the
Cold War, sous la direction de Samy Cohen (28 avril 2014).
- Farizal Bin Mohd Razalli, Explaining the Role of Leadership: the Formation of Four Natural Gas Pipeline Projects in South America and Southeast Asia Compared, sous la direction d'Olivier Dabène (12 mai 2014).
- Ayodele Soule-Kohndou, Les «clubs» de puissances «émergentes» : fonctions objectives et usages stratégiques, le cas du forum de dialogue IBAS (Inde-Brésil-Afrique du Sud), sous la direction de Bertrand Badie (21 mai 2014).
|
|
|
|
|
|
|
ÉVÉNEMENTS
|
|
|
|
La société civile russe résiste-t-elle à l’offensive russe en Ukraine ?
Débat. 19 mai 2014, 16h30-18h30
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Les intellectuels chinois pour ou contre la démocratie
Débat. 20 mai 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Time in the Shadow. Confinment in counterinsurgencies
Séminaire de recherche. 22 mai 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
L’Inde d’après les élections
Débat. 23 mai 2014, 14h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Ethique des relations internationales
Colloque. 26 et 27 mai 2014
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Y a-t-il une manière européenne de faire des relations internationales ? Is there a European way of studying International Relations?
Débat. 26 mai 2014, 18h-19h
|
|
|
+ d'infos
|
|
|
|
|
|
Enquêter sur commande : au sein du monde pénitentiaire
Séminaire de recherche. 26 mai 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Erdoğan's choice. The New Politics of Turkey's Islamists
Séminaire de recherche. 27 mai 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
La planification en Afrique sub-saharienne entre techniques et idéologies, des années 1950 aux années 1970
Séminaire de recherche. 28 mai 2014, 15h-18h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Les pratiques multilatérales
Séminaire de recherche. 28 mai 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Quelle énergie pour l’Europe des précaires ?
Séminaire de recherche. 2 juin 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Individus d'ailleurs. Le regard des sciences sociales et humaines
Séminaire de recherche. 3 juin 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Muffled Truths: The state of free speech in the world's largest democracy, lessons from India for other nations
Séminaire de recherche. 3 juin 2014, 14h30-16h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
The Jurisprudence of Indian Citizenship and the Long Shadow of the Partition
Séminaire de recherche. 4 juin 2014, 14h30-16h30
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Race, religion and the Political incorporation of contemporary immigrants: the case of Indian Americans in the United States
Séminaire de recherche. 4 juin 2014, 17h-19h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Séminaire "Organisations Internationales": présentation de projets en cours
Séminaire de recherche. 6 juin 2014, 10h-12h
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Séminaire Droit et sciences sociales
Séminaire de recherche. 5 juin 2014, 12h30-14h30
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Politiques sociales et Europe centrale
Séminaire de recherche. 6 juin 2014, 10h-12h
|
|
|
|
|
PUBLICATIONS
|
|