La sinisation du protestantisme en Chine

Auteur(s): 

Juliette Duléry, doctorante CESSMA – université Paris-Diderot

Date de publication: 
Mai 2018

Le plan quinquennal pour la sinisation du protestantisme (2018-2022) a été publié en Chine le 27 mars 2018 sur le site des deux comités, organes du gouvernement chargés de l’encadrement du protestantisme1. La sinisation est un mot d’ordre propagé par les instances chrétiennes chinoises depuis 2013 dans le but de construire une « Eglise fidèle à la vérité de la Bible enracinée dans la culture chinoise2». Ce discours est associé à la mise en œuvre d’une politique d’endiguement à l’égard des groupes religieux « occidentaux », qui sont perçus par les autorités comme une menace à la stabilité sociale du pays. Les églises constitueraient en effet un réseau favorable à la dissémination d’idées démocratiques, le christianisme ayant de fait historiquement contribué à la chute de régimes autoritaires dans les cas de la Pologne ou de l’Afrique du sud3.

Un durcissement à l’égard des églises clandestines

La sinisation du protestantisme va de pair avec la promulgation, le 1er février 2018, d’une nouvelle règlementation des affaires religieuses qui marque un durcissement à l’égard des religions4. Cette loi interdit les activités clandestines des églises-maisons qui échappent à la supervision du gouvernement, contrairement aux lieux de culte officiels encadrés par celui-ci. Les dons en provenance de l’étranger et la participation des fidèles à des activités religieuses en dehors du pays sont également surveillés de manière plus explicite que par le passé. La mise en pratique de cette loi aura probablement pour conséquence la disparation de la « zone grise » semi-légale dans laquelle les églises souterraines pouvaient jusqu’à présent se développer.

Une contribution à l’hégémonie de la Chine dans le monde chinois

Au-delà d’un renforcement de la loi à l’encontre des congrégations non enregistrées, le gouvernement cherche à promouvoir la formation d’une identité chrétienne sinisée dont l’influence se diffuserait dans le monde chinois (Hong Kong, Taïwan, diasporas chinoises aux Etats-Unis et en Asie du Sud-Est) ce qui contribuerait à l’hégémonie de la Chine dans cet espace. Des séminaires sur la sinisation du protestantisme ont ainsi été organisés conjointement à Hong Kong, Macao et en outre-mer par les organisations religieuses chinoises et locales.

Bien que l’évaluation de ses effets reste floue, ce programme sera réalisé par une équipe dirigeante émanant des organes religieux officiels et se fonde sur l’entremêlement d’éléments « chinois » (hymnes et architecture chinoises des églises, clercs chinois) à des valeurs socialistes (développement « harmonieux » du protestantisme, adapté au « rêve chinois ») et chrétiennes (valorisation de la charité). L’observation des traductions concrètes de la sinisation du protestantisme constitue ainsi une perspective intéressante pour rendre compte de l’adaptation de cette religion à des contextes locaux.

  • 1. Pour la version intégrale de ce texte en anglais voir : [URL :https://www.ucanews.com/news/protestant-five-year-plan-for-chinese-christianity/82107]
  • 2. ibid
  • 3. Marie-Eve Reny, « Thinking Beyond Formal Institutions: Why Local Governments in China Tolerate Underground Protestant Churches », thèse de doctorat soutenue à l’Université de Toronto, septembre 2011
  • 4. Pour la version intégrale de ce règlement voir : [URL : https://www.chinalawtranslate.com/religious-regulations/].
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