Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-7

 

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Thema
Thema - Avec ou sans les Frères. Les islamistes arabes face à la résilience autoritaire
Sous la responsabilité de Laurent Bonnefoy et François Burgat

Dépassant les limites du regard sécuritaire trop souvent focalisé sur l’Organisation de l’État islamique, les auteurs de ce dossier mobilisent une approche de sociologie politique pour rendre compte des reconfigurations actuelles de l’islamisme sunnite face à la réinvention des autoritarismes, aussi bien en Égypte et en Turquie qu’en Syrie et au Yémen. Quelles transformations l’exclusion des « Frères fondateurs » égyptiens, après leur passage au pouvoir entre juin 2012 et juillet 2013, a-t-elle induites au sein de la sphère oppositionnelle islamiste dans le monde arabe ? Avec ou sans les Frères, celle-ci demeure un objet d’analyse central pour la compréhension des sociétés et des systèmes politiques arabes contemporains. Plus largement, son étude permet d’engager une réflexion sur les ressorts de la conflictualité et sur les dynamiques de polarisation identitaire.

Thema
Dynamique et omniprésente diversité de la référence islamiste
Laurent Bonnefoy, François Burgat
11-19

 

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Thema
Le maréchal et les cheikhs : les stratégies religieuses du régime et leurs complications dans l’Égypte de al-Sissi
Stéphane Lacroix, Ahmed Zaghloul Shalata
21-39

Nous nous attachons ici à analyser les stratégies de gestion du champ religieux mises en œuvre en Égypte par le régime du maréchal al-Sissi, après le coup d’État de l’été 2013 qui a mis un terme à la « parenthèse révolutionnaire » de 2011-2013 marquée par le triomphe électoral des Frères musulmans. En fait, le régime suit une double stratégie : d’une part, dans un registre hérité de la période Moubarak, il s’appuie sur les seuls acteurs islamistes à avoir soutenu le coup d’État, la Prédication salafiste et son parti al-Nour, dans le but de les ériger en substitut légitimiste des Frères musulmans ; d’autre part, dans une logique plus « nassérienne », il cherche à remettre en selle les institutions d’un islam officiel à prétention hégémonique pour reprendre le contrôle des mosquées. Nous examinons les motivations des acteurs religieux impliqués dans ces stratégies, et nous intéressons aux tensions que celles-ci, ainsi que leur articulation, génèrent dans les champs politique et religieux. Cette étude de cas nous permet de nourrir la réflexion sur les ressorts de la légitimation religieuse des régimes autoritaires arabes.

Thema
Sous le signe de Rabia : circulations et segmentations des mobilisations (trans)nationales en Turquie
Marie Vannetzel
41-62

À partir de l’été 2013, à la suite du renversement par l’armée du président Morsi et du massacre de ses partisans, le geste de la main présentant quatre doigts tendus et le pouce replié est devenu un symbole de solidarité avec les Frères musulmans égyptiens (FM). S’il s’est diffusé à travers le monde, c’est en Turquie que ce geste, appelé « signe de Rabia » en référence au nom de la place où le massacre a eu lieu, a connu le succès le plus important, tout en prenant des significations différentes. Comment rendre compte de son adoption et de son adaptation dans le contexte turc ? Ce processus est-il dû à la présence de nombreux exilés FM dans ce pays ? Cette étude montre que, loin de ne constituer qu’un contexte d’accueil, les espaces nationaux et transnationaux islamiques en Turquie ont été les coproducteurs du signe et de ses interprétations. Elle met en évidence la façon dont la circulation de ce signe s’articule à des logiques non seulement de synchronisation des mobilisations dans ces espaces, mais aussi de segmentation, notamment entre ces espaces et l’espace diasporique des FM.

Thema
Les rebelles syriens d’Ahrar al-Sham : ressorts contextuels et organisationnels d’une déradicalisation en temps de guerre civile
Ahmad Abazeid, Thomas Pierret
63-84

Issu de la mouvance jihadiste, le groupe rebelle syrien Ahrar al-Sham a opéré depuis sa création en 2011 un mouvement de déradicalisation idéologique. Cette mue, parachevée en 2017 avec l’adoption officielle du drapeau national syrien, s’est traduite par une posture « révisionniste » du groupe qui l’a graduellement éloigné des factions les plus radicales et rapproché du courant dominant révolutionnaire. Cette trajectoire peut être lue à la lumière de facteurs contextuels, en l’occurrence l’influence des États sponsors de l’insurrection syrienne et l’émergence en 2011 d’un projet de révolution populaire opposant une option idéologique crédible au projet jihadiste. Toutefois, la réponse d’Ahrar al-Sham à ces stimuli externes ne peut se comprendre qu’à travers ses ressorts organisationnels, c’est-à-dire un sevrage précoce vis-à-vis des réseaux jihadistes transnationaux et la mise en place d’une structure décisionnelle collégiale qui a permis la consolidation de l’aile réformiste du groupe aux dépens de sa rivale doctrinaire. Cette étude d’un processus de déradicalisation en temps de guerre civile entend enrichir la réflexion sur les dynamiques de modération des groupes islamistes, essentiellement étudiées jusqu’ici dans des contextes de paix ou d’adieux aux armes. Elle contribue également à une prise en compte des mécanismes de transformation idéologique des groupes armés non étatiques, question largement délaissée par les travaux théoriques sur les guerres civiles.

Thema
Recompositions islamistes sunnites et polarisation confessionnelle dans le Yémen en guerre
Laurent Bonnefoy, Abdulsalam al-Rubaidi
85-103

Le conflit yéménite, qui a suivi, quatre ans après, les mobilisations pacifiques du « Printemps » de 2011, est souvent interprété, hâtivement, à travers une grille de lecture géopolitique qui fait de lui la marque de la rivalité entre l’Iran et l’Arabie Saoudite, sur fond de fracture confessionnelle. Dépassant cette approche, nous nous intéressons aux recompositions politico-religieuses survenues dans ce pays depuis 2013, en contexte de conflit violent. Nous interrogeons les processus de construction de la polarisation entre sunnites et chiites, en rupture avec un agencement confessionnel particulier, et les effets produits au sein du champ islamiste sunnite. La relégation du parti al-Islah, représentant les Frères musulmans, s’accompagne d’une montée en puissance des entrepreneurs salafis. Cette dynamique signale la reconfiguration des ressources mobilisées, en affirmant la valorisation de l’engagement militaire. Dès lors, notre contribution appréhende le conflit armé en tant que moment privilégié pour observer les processus de fabrique des identités à partir des déclarations d’entrepreneurs islamistes, des alliances nouées sur le front ou des confrontations.

Varia
Internet et propagande jihadiste : la régulation polycentrique du cyberespace
Valentine Crosset, Benoît Dupont
107-125

Depuis quelques années, les pouvoirs publics et la société civile rendent Internet responsable de la diffusion de contenus jihadistes. Pour faire face à cette accusation qui a pris une dimension internationale, les États, les entreprises technologiques et la société civile ont mis en place des pratiques et des solutions de contrôle qui se présentent cependant sous l’aspect d’un ensemble fragmenté et dispersé. Nous souhaitons ici rendre compte de ce système complexe en adoptant l’approche de la gouvernance polycentrique. Cette approche contraste avec une vision étato-centrique dans la mesure où elle favorise la mise en réseau de centres de régulation à plusieurs niveaux des problèmes globaux. Notre analyse s’appuie sur une cartographie détaillée des différents dispositifs impliqués dans la régulation des contenus jihadistes. Tout en montrant le caractère pluricentrique et hétérogène de ces dispositifs, nous présentons ceux-ci comme un système « agonistique », dans lequel les rapports sont à la fois marqués par le conflit et par une prise en compte mutuelle. Nous démontrons toutefois que le conflit n’empêche pas l’action, puisque, à terme, les structures d’autorité polycentriques ont permis l’émergence d’une nouvelle architecture et de nouvelles normes visant à faciliter le contrôle des flux informationnels.

Varia
Un vote organisé par des gangs ? Observation d’une mission d’observation internationale de l’élection présidentielle de 2014 au Salvador
Erica Guevara
127-146

Comment se construit le regard de l’observateur électoral international ? Si la normalisation, la généralisation et les conséquences des dispositifs d’observation électorale internationale abordés en tant qu’instruments de « promotion de la démocratie » ont été longuement analysées, les modalités concrètes de production des données de ces missions n’ont été que très peu explorées. À partir de l’observation participante d’une mission coordonnée par une organisation internationale lors de l’élection présidentielle de 2014 au Salvador, nous étudions la façon dont se définissent les critères de ce qui « mérite d’être observé », et dans quelle mesure le dispositif parvient à modeler et à orienter le regard de l’observateur. Le processus de formation permettant de transformer le volontaire néophyte en observateur international compétent est ici retracé, ainsi que les paradoxes du travail sur le terrain, notamment la difficulté pour l’œil étranger à qualifier ce qui est regardé. Ainsi, au Salvador, la standardisation de la méthode d’observation et l’impératif de neutralité ont conduit l’OI à dépolitiser et à écarter de l’étude l’un des principaux enjeux de l’élection : le comportement électoral des maras (gangs criminels transnationaux de jeunes, responsables de l’impressionnant taux de décès violents au Salvador), sur lequel il n’existe encore aucune donnée.

Varia
Les tensions de l’affirmative action dans l’Afrique du Sud post-apartheid. Une analyse de la jurisprudence des tribunaux du travail
Soline Laplanche-Servigne
147-166

Depuis 1998, le gouvernement sud-africain a mis en place des mesures radicales destinées non seulement à lutter contre les discriminations mais aussi à corriger les inégalités produites par le régime de l’apartheid. L’une de ces principales mesures est la loi d’équité dans l’emploi (Employment Equity Act, EEA), votée en 1998. On aurait pu penser que cette loi protègerait fortement les bénéficiaires de l’affirmative action et qu’il serait difficile pour des Blancs, non membres des « groupes désignés » (« designated groups »), d’obtenir gain de cause en plaidant la discrimination raciale injuste. Or il s’avère que dans la majorité des litiges où la discrimination est reconnue injuste par le juge, cette reconnaissance se fait en faveur de plaignants blancs. Sur la base de ce paradoxe, nous examinons la nature des arguments échangés dans les tribunaux du travail et ce qui fonde la distinction établie par le juge entre discrimination raciale juste et injuste. Ces litiges permettent d’appréhender sous un jour nouveau la victime de discrimination post-apartheid, figure dont les contours ne suivent plus forcément une stricte ligne d’opposition entre Noirs et Blancs.

Lectures
État de littérature. Le vigilantisme contemporain. Violence et légitimité d'une activité policière bon marché
Laurent Fourchard
169-186

 

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Lectures
Lectures
Xavier Bougarel
187-190

Edin Hajdarpašić. Whose Bosnia ? Nationalism and Political Imagination in the Balkans 1840-1914, Ithaca, Cornell University Press, 2015, XII-271 pages.

Lectures
Lectures
Olivier Giraud
191-194

Valérie Lozac’h, Des doctrines aux réformes ? La modernisation de l’État en Allemagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2016, 282 pages.

Lectures
Lectures
Julie Sissia
195-198

Jérôme Bazin, Réalisme et égalité. Une histoire sociale de l’art en République démocratique allemande (1949-1990), Dijon, Les Presses du réel, 2015, 261 pages.

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