Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Communismes et circulations transnationales
Sous la responsabilité de Paul Boulland et Isabelle Gouarné

« Mondialisation », « globalisation », « circulation »… Ces termes ont conquis les sciences humaines et sociales depuis une vingtaine d’années, alors qu’un nouvel ordre planétaire se construisait et se pensait après la disparition du « bloc » soviétique. Ne serait-ce que du point de vue chronologique, la trajectoire historique des communismes ne semble donc pas totalement étrangère à la montée du transnational. Cette articulation est examinée ici dans cinq études de cas qui, certes, portent sur des espaces géographiques et des moments différents du XXe siècle, mais qui, toutes, s’appuient sur les outils des approches transnationales et relèvent d’une histoire sociale (ou socio-histoire) des communismes. Dans un champ de recherche où l’on n’a cessé d’analyser la dimension internationale des expériences communistes, ces contributions reviennent sur les mutations d’objets, de méthodes et de questionnements qui découlent du « tournant global ». Ce faisant, elles permettent d’interroger plus largement certains présupposés de la perspective transnationale, que ce soit sur le rôle de l’État ou sur les temporalités de l’histoire mondiale.

Thema
Les mondes mêlés du communisme : une autre approche transnationale ?
Paul Boulland, Isabelle Gouarné
9-18

 

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Thema
Des techniques authentiquement socialistes ? Transferts et circulations dans les télécommunications entre l’URSS et l’Europe (années 1920 - années 1960)
Larissa Zakharova
19-35

Pendant l’entre-deux-guerres, le paradigme de la « forteresse assiégée » n’a pas empêché les voyages de prospection des Soviétiques en Occident et différentes formes de coopération. La seconde guerre mondiale en revanche, en rendant possibles les transferts directs des équipements de télécommunications de l’Allemagne vers l’URSS, a marqué une rupture dans cette circularité des trajectoires des techniques entre l’Ouest et l’URSS. Cette expérience est devenue décisive avec la guerre froide, lorsque les circulations se sont cantonnées au bloc socialiste et que l’Europe occidentale n’a plus été perçue que comme une source de transferts vers l’URSS. La guerre froide et la formation de deux blocs ont ainsi changé les pratiques de prospection, les modèles de coopération dans le domaine des télécommunications et la manière dont on a envisagé les techniques socialistes dans le réseau mondial des communications à l’ère du Dégel. L’exploitation du potentiel industriel des démocraties populaires devait en effet permettre de dépasser la dépendance ancienne de l’Union Soviétique vis-à-vis des équipements occidentaux et de distinguer les techniques de communication socialistes des productions capitalistes.

Thema
Des pratiques transnationales pour une lutte internationale ? Les militants communistes allemands en exil à l’Ouest pendant la seconde guerre mondiale
Alix Heiniger
37-51

Peut-on qualifier de transnationales les pratiques mobilisées par les militants du Parti communiste allemand dans leurs collaborations avec leurs camarades des PC nationaux pendant leur exil en Belgique, en France et en Suisse lors de la seconde guerre mondiale ? Répondre à cette question suppose de faire la distinction entre un discours qui relève de l’internationalisme et des pratiques possiblement transnationales. L’étude de quelques exemples de parcours biographiques et d’itinéraires d’exil permet de montrer que ces pratiques se sont mises en place via la formation des cadres et l’acquisition de normes et de références communes. Elle révèle également comment a fonctionné concrètement cette collaboration qui a permis à des communistes de plusieurs nationalités de travailler ensemble dans la clandestinité. Les militants allemands ont d’abord envisagé leur engagement sous un angle internationaliste, puis, au moment de la fondation des organisations Freies Deutschland en 1943, ils ont adopté la nation comme horizon de mobilisation.

Thema
Fraternité ou formalité ? Les jumelages locaux entre partis communistes dans le bloc soviétique
Michel Christian
53-67

Dans le sillage de la déstalinisation, les partis communistes du bloc ont noué des relations entre leurs directions régionales, échangeant délégations, matériel documentaire, étudiants, touristes et techniciens. Certains partis, comme ceux de RDA et de Tchécoslovaquie, ont entretenu des relations privilégiées, assimilables à des jumelages. À la fois produits de la diplomatie et d’initiatives locales plus ou moins encadrées, ces partenariats se sont institutionnalisés en se généralisant. Si la curiosité et l’observation mutuelles, de même que certains échanges techniques, étaient indéniables, on ne peut que constater la faiblesse des pratiques véritablement transnationales dans ces jumelages. Aucun réseau interpersonnel ne s’est vraiment développé. Même s’il a existé, ponctuellement, dans le contact direct entre les individus, des formes de réappropriation non prévues a priori, les acteurs politiques locaux demeuraient soumis avant tout aux impératifs de la position qu’ils occupaient dans leurs appareils partisans nationaux. Par leur fonctionnement extrêmement centralisé, les partis communistes ont donc doublé la structure des États-nations déjà existants. Ils ont ainsi pu développer des discours, des valeurs et peut-être même des attentes transnationales, tout en en entravant de fait la mise en œuvre.

Thema
Une seule façon d’être communiste ? L’internationalisme dans les parcours biographiques au Conseil d’aide économique mutuelle
Simon Godard
69-83

Basculant du paradigme totalitaire à l’histoire du quotidien, l’historiographie du communisme a tout d’abord nié l’existence d’un véritable processus d’unification dans le bloc de l’Est puis s’en est désintéressée. Peu étudiées, les organisations internationales communistes de la guerre froide constituent pourtant des laboratoires de l’internationalisme. Dans le champ de l’économie, une socio-histoire des fonctionnaires est-allemands travaillant avec le Conseil d’aide économique mutuelle (CAEM) permet de mettre en lumière trois façons d’être internationaliste. Les diplomates, les passeurs et les experts aux carrières-CAEM intègrent à des degrés divers les habitus d’une nouvelle communauté transnationale d’économistes communistes. C’est dans les parcours biographiques au CAEM que se construit une identité d’internationaliste et que le bloc de l’Est devient ou non un territoire professionnel et symbolique approprié.

Thema
La « sororité » à l’épreuve : pratiquer l’internationalisme féministe au lendemain de la guerre froide
Ioana Cîrstocea
85-101

S’appuyant notamment sur une enquête par entretiens et sur le dépouillement d’archives non déposées, cette contribution analyse la mise en place au début des années 1990 du Network of East-West Women, un réseau transatlantique dont les activités ont impulsé l’émergence de l’expertise sur le genre dans l’espace ex-socialiste. Les trajectoires des fondatrices sont saisies à travers les logiques subjectives de leur identification tout d’abord avec des mouvements pour la libération des femmes dans différents cadres nationaux, ensuite avec le féminisme global, enfin avec les processus de libéralisation des pays ex-socialistes. La création et les stratégies du NEWW traduisent un changement d’échelle d’action et un déplacent d’engagements militants affirmés au cours des décennies précédentes. Tout en déployant des activités transatlantiques et en investissant de nouveaux registres d’action politique, le réseau contribue à reproduire le clivage idéologique binaire entre « Est » et « Ouest ». Il offre de la sorte un support de mobilisation collective, des outils pour la politisation et un contexte pour l’affirmation des « femmes est-européennes » en tant acteur non hégémonique du féminisme international.

Varia
Le charisme comme ressource émotionnelle du mouvement social ? Dispositifs de sensibilisation dans une néo-confrérie pakistanaise
Alix Philippon
105-124

L’autorité charismatique et les émotions sont les deux points d’entrée de l’analyse proposée ici sous l’angle de la sociologie des mouvements sociaux d’une néo-confrérie soufie pakistanaise, le Minhaj-ul Quran. Son fondateur/leader est considéré comme un saint soufi par ses suiveurs et son mouvement peut être analysé comme une communauté émotionnelle qui s’est graduellement politisée. Le charisme de Qadri est appréhendé comme une ressource qui s’actualise et se réactive par le biais de dispositifs de sensibilisation (hagiographies, rituels, poèmes, vidéos, mises en scène…) qui peuvent expliquer en partie l’émergence et la capacité de mobilisation du groupe. Celui-ci apparaît comme une réinvention originale de la tradition confrérique d’Asie du Sud, qui articule différents types d’activisme (social, religieux, politique) au sein d’une ONG et d’un parti politique qui, s’il s’est retiré de la scène électorale depuis 2005, continue à s’engager avec succès dans diverses causes politiques.

Varia
Troubles dans le local : migrations transnationales et transformations culturelles à Java
Loïs Bastide
125-143

Dans le contexte des nouvelles migrations de travail apparues en Asie depuis les années 1970, l’Indonésie s’est imposée comme l’un des premiers pays exportateurs de main-d’œuvre vers les pays de la région, le Proche-Orient et le Moyen-Orient. Ces transnationalismes bouleversent les modes de vie dans tout l’archipel. Dans les espaces ruraux du Territoire spécial de Yogyakarta, au centre de Java, où les populations étaient jusque-là plutôt sédentaires, des tensions apparaissent entre les formes instituées de la vie collective et les attitudes et pratiques développées en migration, souvent dans les grandes métropoles régionales : Singapour, Kuala Lumpur, Taipeh, Hong Kong et Séoul. L’ethnographie d’un village de la région révèle que ces bouleversements, parce qu’ils interrogent les processus de reproduction sociale et culturelle, rendent visibles des rapports de pouvoir autrefois opacifiés par l’évidence des formes traditionnelles d’interaction et, ce faisant, ouvrent un espace politique inédit où il est possible de renégocier les modalités du « faire communauté » à partir de la pluralité des « épreuves » transnationales.

Varia
Réformer la « justice de proximité » en R. D. Congo. Une comparaison entre tribunaux coutumiers et tribunaux de paix à Lubumbashi
Benjamin Rubbers, Émilie Gallez
145-164

Réformer la « justice de proximité » en R. D. Congo. Une comparaison entre tribunaux coutumiers et tribunaux de paix à Lubumbashi Dans le cadre de la stratégie des bailleurs de fonds visant à instaurer un « État de droit » en République démocratique du Congo, le gouvernement de Joseph Kabila, élu en 2006, s’est engagé dans une importante réforme du système judiciaire. L’une des principales ambitions de cette réforme est d’améliorer l’accès des citoyens à la justice « moderne » en remplaçant les tribunaux coutumiers par des tribunaux de paix. Sur la base d’une recherche collective menée en 2010, nous proposons d’évaluer la portée de ce volet de la réforme en comparant le mode de fonctionnement concret des tribunaux coutumiers de la périphérie de Lubumbashi et celui des tribunaux de paix dans cette même ville. Cette approche ne permet pas seulement une critique empiriquement fondée des présupposés modernistes qui sous-tendent la réforme. Elle offre aussi, à une plus large échelle, un angle d’analyse original pour revenir sur le débat relatif aux systèmes de justice formels/informels qui s’est développé dans la littérature en droit et développement au cours de cette dernière décennie.

Lectures
Lecture
Julien Merlin
167-173

Michel Naepels, Conjurer la guerre. Violence et pouvoir à Houaïlou (Nouvelle-Calédonie), Paris, Éditions de l’EHESS, 2013, 287 pages.
Éric Soriano, La fin des Indigènes en Nouvelle-Calédonie : le colonial à l’épreuve du politique 1946-1976, Paris, Karthala, 2013, 312 pages.

Lectures
Lecture
Anne Madelain
175-178

Lada Duraković, Andrea Matošević (eds), Socijalizam na klupi. Jugoslavensko društvo očima nove postjugoslavenske humanistike (Le socialisme en examen. La société yougoslave vue par les nouvelles sciences humaines post-yougoslaves), Pula-Zagreb, Srednja Evropa/Sveučilište Jurja Dobrile/Sajam Knjige u Istri, 2013, 355 pages.

Lectures
Lecture
Marieke Louis
179-182

Francis Maupain, The Future of the International Labour Organization in the Global Economy, Oxford/Portland, Hart Publishing, 2013, 300 pages.

Lectures
Lecture
Franck Petiteville
183-186

Birgit Müller (ed.), The Gloss of Harmony : The Politics of Policy-Making in Multilateral Organisations, Londres, Pluto Press, 2013, VII-268 pages.

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