Critique internationale - Sommaire

Editorial
5-6

 

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Thema
Thema - Le féminisme islamique aujourd’hui
Sous la responsabilité de Stéphanie Latte Abdallah

Vingt ans après l’apparition du concept de féminisme islamique forgé à partir de la situation iranienne, il convient de dresser le bilan d’un débat toujours polémique et trop souvent ignoré. Les contributions réunies ici témoignent d’un parti pris d’acception large du concept : de la formulation d’un discours intellectuel, universitaire ou militant, aux mouvements sociaux ; du rôle des partis et des organisations islamiques à l’élaboration de nouvelles subjectivités féminines. En revenant sur les enjeux d’un débat mondialisé et sur ses diverses expressions en Iran, au Maroc et en Arabie Saoudite, ces pistes de recherche permettent d’envisager autrement la troisième vague du féminisme dans les mondes arabe et musulman.

Thema
Le féminisme islamique, vingt ans après : économie d’un débat et nouveaux chantiers de recherche
Stéphanie Latte Abdallah
9-23

 

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Thema
Où en est le féminisme islamique ?
Margot Badran
25-44

La nouveauté du féminisme islamique – dont la trajectoire est retracée depuis son apparition dans les années 1980 – est mise en lumière par la comparaison avec le féminisme laïque apparu dans certaines sociétés musulmanes dès le début du XXe siècle. Ce mouvement consacrait l’essentiel de ses efforts à la défense des droits de la citoyenne et pratiquait un discours nationaliste-laïque, islamique-moderniste et humanitaire. Le féminisme islamique, quant à lui, fonde sa revendication d’égalité absolue entre les genres et de justice sociale sur les textes sacrés. On distingue deux étapes dans son évolution. La première, qui a duré une vingtaine d’années, a consisté en l’élaboration d’un modèle d’égalité des genres en islam reposant sur une lecture novatrice du Coran et du fiqh (droit islamique) qui, bien que recourant aux outils analytiques les plus récents des sciences sociales, ne sortait pas de la tradition exégétique classique. La seconde, amorcée il y a quelques années seulement, se caractérise, d’une part, par la volonté de ses théoriciennes de s’arracher à ce cadre de pensée contraignant, d’autre part, par une activité de construction d’un mouvement social transnational. Il semblerait que les deux grandes tendances du féminisme en milieu musulman (laïque et islamique) soient entrées aujourd’hui dans un processus de fusion.

Thema
Le féminisme islamique en Iran : nouvelle forme d’assujettissement ou émergence de sujets agissants ?
Azadeh Kian
45-66

L’émergence du féminisme islamique en Iran est analysée ici comme l’une des conséquences du processus de changement social qui s’est opéré après la Révolution et de la prise de conscience des femmes issues des classes moyennes ou inférieures traditionnelles et religieuses qui étaient largement écartées de la sphère publique sous le chah. La présentation d’une typologie des féministes islamiques et l’examen de la multiplicité de leurs références identitaires permettent d’expliquer les similitudes et les différences entre féminisme séculier et féminisme islamique. Les luttes sociales, politiques, culturelles et intellectuelles des féministes islamiques visent à introduire des changements dans les lois et les institutions afin d’établir l’égalité entre les sexes et de changer les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes. Dans la mesure où elles mettent en question le modèle unique d’émancipation issu de la trajectoire occidentale, les féministes islamiques iraniennes doivent être considérées comme des sujets agissants.

Thema
« Droits de la femme » et développement personnel : les appropriations du religieux par les femmes en Arabie Saoudite
Amélie Le Renard
67-86

Une enquête de terrain en Arabie Saoudite a permis de montrer comment les modes d’appropriation du religieux par les femmes saoudiennes, sans être nécessairement revendicatifs ou contestataires des interprétations dominantes, contribuent à modifier l’articulation entre les relations de pouvoir étatiques et familiales dans le sens d’une autonomie accrue des femmes vis-à-vis de leur famille, et ce, à différentes niveaux. Dans les années 1990, la ségrégation des sexes a permis le développement d’espaces religieux féminins relativement autonomes au sein desquels des prédicatrices ont énoncé un discours spécifiquement adressé aux femmes. Depuis 2003, la rhétorique des « droits de la femme en islam » s’opposant aux « traditions et coutumes » est souvent employée par le gouvernement dans le cadre de sa stratégie de « réforme », ainsi que par plusieurs types d’actrices. Si intellectuelles « libérales » et intellectuelles islamistes s’opposent sur le contenu à donner à ces « droits », leurs discours contribuent, au-delà de leurs oppositions, à promouvoir la démarche consistant à revendiquer des droits pour les femmes au nom de l’islam. Ainsi de jeunes Saoudiennes emploient-elles cette rhétorique pour négocier avec leur entourage familial l’accès à une activité professionnelle. Elles s’approprient également le discours de développement personnel islamique, diffusé au sein des espaces religieux, qui légitime la poursuite d’objectifs individuels et d’activités en-dehors de la sphère familiale. Ces différents modes d’appropriation contribuent à repousser les frontières des possibles pour les femmes.

Thema
Maroc : vers un « féminisme islamique d’État »
Souad Eddouada, Renata Pepicelli
87-100

En 2003-2004, la réforme du Code de la famille et celle de la sphère religieuse sont venues couronner les initiatives du pouvoir en faveur d'une plus grande égalité entre les genres au nom de « l’esprit égalitaire de l’islam et [des] principes universels des droits de l’homme ». Ces réformes s’inscrivent dans le cadre plus général du « processus de démocratisation » marocain, où deux trajectoires de changement interagissent : l’ouverture politique amorcée par la monarchie dans les années 1990 et la tendance à l’institutionnalisation des affaires religieuses sous le patronage de l’État, annoncée à la suite des attentats terroristes de Casablanca en 2003. Soucieux de prendre en compte les discours islamiste et féministe sur les droits de la femme, le pouvoir a élaboré des projets visant à démontrer leurs compatibilités respectives avec l’islam. Le recrutement de femmes dans les institutions religieuses de l’État, notamment des prédicatrices de mosquée et des théologiennes dans les conseils d’oulémas, a commencé en 2006 ; on attend d’elles la promotion d’un « islam marocain modéré ». Le thème de la femme en islam est devenu le lieu d’un affrontement entre pouvoir, islamistes et féministes libérales. La question est cependant de savoir si les projets de féminisation de la religion et de la vie politique pilotés par les autorités créent véritablement des espaces où peut s’épanouir l’action autonome des femmes (sur le plan religieux et sur celui de la citoyenneté) ou si ces formules venues d’en haut n’utilisent pas les femmes plus comme des symboles que comme des agents du changement.

Varia
La contribution des organisations de migrants latino-américains des États-Unis au développement de leurs pays d’origine
Cristina Escobar
103-124

L’étude comparative des organisations d’immigrés originaires de la Colombie, de la République dominicaine et du Mexique aux États-Unis et de leurs actions en direction des pays d’origine fait apparaître des différences entre les trois nationalités tant dans la nature de leurs projets que dans celle de leurs partenaires au pays. Les différences s’expliquent à la fois par la sociologie de la population émigrée et par les structures des États concernés et leur politique vis-à-vis de leurs nationaux expatriés. Ainsi le caractère essentiellement rural de l’émigration mexicaine et la tradition d’un État très actif dans l’organisation de la société civile ont permis de bien associer les organisations d’émigrés (majoritairement structurées par village ou région d’origine) aux programmes publics de développement. Ce n’est pas le cas de l’émigration colombienne, qui se compose surtout de citadins de classe moyenne et dont les organisations, indépendantes de l’État, privilégient les modèles caritatifs classiques. En Colombie, c’est le secteur privé et non l’État qui propose aux expatriés un « modèle efficace d’investissement social ». Quant aux organisations d’émigrés dominicains, elles sont davantage tournées vers l’amélioration des conditions de vie des migrants dans le pays d’accueil, avec une offre variée de services sociaux. Certes, la présidence de la République dominicaine a mis en place, depuis quelques années, des programmes tournés vers la diaspora, mais il convient de séparer ces initiatives de leurs visées électoralistes pour en faire de véritables politiques publiques indépendantes des alternances au pouvoir.

Varia
Pouvoir et transition générationnelle en Arabie Saoudite
Nabil Mouline
125-146

La question de la succession politique est le talon d’Achille de la monarchie saoudienne. Depuis son apparition au XVIIIe siècle, la dynastie tente, tant bien que mal, de résoudre ce problème principalement dû au mode horizontal de transmission et de distribution du pouvoir, inspiré du système de parenté local. Les phases de transition générationnelle sont systématiquement synonymes de périodes de crise, au cours desquelles chaque lignage tente de monopoliser le pouvoir. Pour cerner le problème de la succession en Arabie Saoudite, modèle de royauté patrimoniale, il convient de lui restituer sa profondeur historique et sa dimension politique.

Varia
Les programmes de lutte contre la pauvreté au Venezuela
Anne Daguerre
147-167

Depuis 2002-2003, Hugo Chávez a fait du soutien aux plus démunis l’un des fers de lance de sa politique en créant les Missions, programmes sociaux visant à répondre aux besoins des plus pauvres en matière de santé, d’éducation et d’alimentation. Les Missions se caractérisent par un phénomène de contournement systématique des institutions ainsi que par une prolifération anarchique qui rend leur institutionnalisation particulièrement difficile. Ces programmes représentent-ils vraiment une rupture fondamentale avec les politiques sociales antérieures, comme le proclame le gouvernement ? Pour répondre à cette question, il faut analyser l’évolution de l’État social vénézuélien, le développement des Missions, en particulier la Mission Che Guevara, programme de formation permettant de préparer les bénéficiaires à la constitution de coopératives, et le bilan des Missions. Il s’avère alors qu’en dépit des ruptures idéologiques et discursives proclamées par le Président Chávez il existe une forte continuité entre les politiques sociales de la « Révolution Bolivarienne » et celles des gouvernements antérieurs.

Lectures
Lecture
Hamit Bozarslan
171-180

Marnia Lazreg, Torture and the Twilight of Empire : From Algiers to Baghdad, Princeton, N. J./Oxford, Princeton University Press, 2008, XII + 335 pages.
Darius M. Rejali, Torture and Democracy, Princeton, N. J./Oxford, Princeton University Press, 2007, XXIII + 849 pages.

Lectures
Lecture
181-186

Laëtitia Atlani-Duault et Laurent Vidal (dir.), Anthropologie de l’aide humanitaire et du développement : des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques, Paris, Armand Colin, 2009, 312 pages.

Lectures
Lecture
Thierry Chopin
187-193

Olivier Beaud, Théorie de la Fédération, Paris, PUF, 2007 (2e édition mai 2009), 425 pages.

Lectures
Lecture
David Ambrosetti
195-199

Alastair Iain Johnston, Social States : China in International Institutions, 1980-2000, Princeton, Princeton University Press, 2008, XXVII-251 pages.

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