Critique internationale - Sommaire
La contre-insurrection américaine en Irak représente un moment décisif pour l’armée des États-Unis. Très différente des opérations auxquelles celle-ci s’était préparée depuis le Vietnam, et démentant à certains égards toutes ses idées sur la guerre depuis ce temps, elle exerce une pression formidable, en particulier sur les institutions de l’Armée de terre. Les erreurs que cette dernière a commises au début sont le reflet de ce hiatus entre son image d’elle-même et les tâches réelles qu’elle a dû accomplir. Mais elle s’est remarquablement adaptée à sa mission, aidée en cela par la riche expérience accumulée durant les années 1990 et par ses qualités naturelles de professionnalisme et de pragmatisme. À l’heure où nous écrivons, en tout cas, elle demeure une institution formidable et, dans l’ensemble, saine.
Depuis l’avènement du sionisme au XIXe siècle, la démographie (immigration, émigration, mariage, natalité et mortalité) a joué un rôle majeur dans l’établissement de la communauté juive en Palestine et, depuis 1948, dans l’affermissement de l’État d’Israël. Depuis la guerre de 1967 et la conquête de la totalité du territoire de la Palestine de l’ex-mandat britannique, deux démographies, celle des Palestiniens des territoires occupés (Cisjordanie avec Jérusalem-Est et Gaza jusqu’en 2005) et celle des Israéliens qui ont colonisé ces territoires, s’affrontent : la première pour préserver ce territoire au bénéfice de ses habitants originels, la seconde pour le conquérir au profit des colons. Jusqu’à la deuxième Intifada en 2000, la fécondité palestinienne est demeurée élevée. Depuis, une très forte baisse a ramené son niveau au-dessous de celle des colons israéliens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, qui reste très élevée voire augmente légèrement. Les causes de la baisse de la fécondité palestinienne et celles de la persistance de la forte fécondité dans les colonies israéliennes sont étudiées. Des perspectives de la population en Cisjordanie à l’horizon 2025 soulignent l’augmentation rapide de la population israélienne au détriment de la population palestinienne. Quelles pourront être les conséquences politiques de ces changements démographiques ?
L’année 2005 a été pour le Liban une année de très grands bouleversements en ce qui concerne tant sa relation avec la Syrie voisine que ses équilibres politiques internes. Depuis l’été 2004, la tutelle syrienne est dans la ligne de mire des Occidentaux, essentiellement de la France et des États-Unis : Damas a été mise en demeure de cesser ses ingérences au Liban et d’aider à désarmer le Hezbollah et les factions armées palestiniennes sur le sol libanais. L’assassinat de Rafik Hariri, Premier ministre démissionnaire, a précipité l’évacuation des troupes syriennes. Les mois qui ont suivi ont déclenché une mobilisation populaire sans précédent dans l’histoire du pays, mais les grands espoirs ouverts par cette ère d’émancipation politique ont vite été ternis par le jeu classique des alliances forgées lors des élections du printemps 2005. Dans un environnement régional belligène, la persistance des clivages communautaires et politiques autour de questions vitales comme la présidence de la République, le maintien de la résistance et l’avenir des relations libano-syriennes entretient des scénarios alarmants pour l’avenir du Liban.
Les élections législatives du 14 mars 2004, qui se sont déroulées dans un contexte politique singulier, engendré par les attentats terroristes du 11 mars à Madrid, ont débouché sur la victoire inattendue du PSOE. Cet article revient sur la compréhension de ce revirement électoral en analysant le processus qui a transformé une situation de deuil collectif en protestation populaire contre le gouvernement Aznar. La manipulation politique tentée par ce dernier, qui a voulu contrôler l’interprétation de l’événement en mettant en cause uniquement l’ETA a contribué au retour d’une partie de l’électorat de gauche vers le PSOE. De façon exceptionnelle, les formes de participation politique non conventionnelles et la participation électorale se sont rejointes dans un mouvement de rejet du mensonge politique.
En dépit de leurs différences majeures, les politiques d’action sociale étudiées ici : les propositions de réforme de l’aide aux familles en difficulté avancées par la Maison Blanche sous la Présidence de George W. Bush (2002), les propositions de réforme concernant le retour à l’emploi des personnes percevant des pensions d’invalidité en Grande-Bretagne (2002-2004) et le Revenu minimum d’activité en France (2002-2004) reposent toutes sur une rhétorique assez dure à l’égard des personnes inactives. Elles sont par ailleurs l’œuvre de communautés de politique publique dans lesquelles l’administration est cantonnée à un rôle relativement passif
Alors que l’Allemagne traverse depuis trente ans une grave crise démographique, l’État peine à s’engager dans la voie d’une politique familiale active. Il lui faut en effet se démarquer aussi bien du passé national-socialiste que de la politique interventionniste de la RDA, tout en prenant en compte une particularité culturelle allemande, la permanence du rôle prépondérant à la mère auprès de ses enfants. Ces facteurs historiques et culturels déterminent dans une large mesure les limites que l’État impose à sa propre action, mais aussi les principes mêmes de la politique familiale actuelle : la volonté de s’effacer derrière l’individu et de respecter ses choix. Aussi l’État s’efforce-t-il de rester neutre en privilégiant le principe de subsidiarité et les transferts financiers au détriment de mesures de conciliation entre travail et famille. Une telle orientation conduit cependant à influencer les choix des individus. De fait, l’objectif de neutralité se révèle impossible à atteindre et contribue indirectement à léser les familles.
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En 2000, au Zimbabwe, les anciens combattants de la guérilla des années 1970 ont déclenché un vaste mouvement d’occupations des terres. Les dynamiques et l’étendue géographique de ce mouvement mais aussi la position de l’État différencient cette « soif de terres » des vagues précédentes d’occupations foncières. La déception des anciens combattants et leurs conflits croissants avec le gouvernement ont provoqué des affrontements directs et conduit à une volte-face de l’État, par ailleurs soumis à de fortes pressions internationales visant à bloquer la réforme fast-track. Certes, le mouvement a mis fin au contrôle des grandes fermes par la minorité blanche, mais, pour les vétérans et les ouvriers agricoles, de nombreuses questions demeurent en suspens quant à l’attribution des terres et la capacité du cadre actuel à éliminer les inégalités sociales dans les campagnes.
En optant pour une modernisation économique dans laquelle le secteur agricole allait forcément subir de profondes transformations, la rupture de 1989 a provoqué l’affaiblissement de la légitimité sociale de la paysannerie. Durant les années 1990, les deux principaux partis paysans, le PSL et le mouvement Samoobrona sont cependant parvenus à re-politiser la « question paysanne » : le premier a misé sur une représentation du monde paysan fondée sur la valorisation de son identité et de son rôle politique et social ; le second a prouvé, à la faveur des grèves de janvier 1999, que la paysannerie était capable d’une forte mobilisation concrète. Mais Samoobrona est allé plus loin : en s’engageant dans une entreprise de professionnalisation politique, il est devenu une sorte de parti « attrape-tout » qui s’adresse à toutes les catégories sociales fragilisées par les réformes.
L’analyse des transformations des structures du monde agraire brésilien après 1964 permet de comprendre l’apparition et l’expansion du MST (le Mouvement des Sans Terre). À l’incapacité du syndicalisme rural à lutter contre la concentration de la propriété et l’exclusion sociale s’est ajoutée l’influence de mouvements liés à l’Église catholique progressiste qui ont soutenu les mobilisations, les revendications et l’organisation des sans terre. La trajectoire du MST, ses spécificités, ses formes de lutte et d’organisation, et la formation de comportements et de valeurs alternatives révèlent une idéologie socialiste mêlée d’influences religieuses, qui se tourne désormais vers les mouvements altermondialistes.
Depuis plus de dix ans la révolution maoïste fait rage au Népal. Déchiré par la guerre civile, le pays assiste à la ruine des efforts de développement qui alimentaient hier encore les illusions nationalistes. La monarchie hindoue absolutiste des Shah, qui plonge ses racines religieuses et historiques dans un long passé national de conquêtes guerrières, est en train de vivre ses derniers instants, face au succès d’un nouveau radicalisme qui, en une décennie à peine, a transformé des agriculteurs labourant à l’araire des sols montagnards arides en guérilleros entraînés au maniement de la kalachniko
Éric Agrikoliansky, Olivier Fillieule et Nonna Mayer (dir.), L’altermondialisme en France : la longue histoire d’une nouvelle cause, Paris, Flammarion, 2005, 370 pages.
Stephen Peter Rosen, War and Human Nature, Princeton, Princeton University Press, 2005, 216 pages.
Jon Elster, Closing the Books : Transitional Justice in Historical Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, XII + 298 pages.
