Une autre "image" du système international contemporain

Les recompositions du système international contemporain ne sont pas seulement de nature politique. Elles relèvent également du champ académique. En montrant cette double transformation à l’œuvre, Amitav Acharya entend contribuer à plusieurs décentrements dans l’étude des Relations Internationales. Ces décentrements sont d’autant plus déterminants qu’ils sont au cœur de ses fonctions de président actuel de l’International Studies Association : un acteur non des moindres dans la vie universitaire des internationalistes. Décentrement politique tout d’abord. Aux scénarios d’unipolarité prolongée, de bipolarisation chino-américaine cristallisée ou encore de multipolarité réactivée, Amitav Acharya propose une autre « image » du système : celle du Multiplex. La scène mondiale se diversifie à l’instar des offres cinématographiques : le spectateur peut choisir entre Hollywood, Bollywood ou un film de Kung Fu chinois. Surtout, la logique des pôles n’est plus à l’œuvre selon un overlay surplombant les conduites des grandes puissances ou des autres intervenants émanant de la société civile. Dans ce multiplex, le mouvement en faveur des régionalisations se révèle de plus en plus véloce. Ce sont des laboratoires de régulation. Si Amitav Acharya reconnaît que le G20 incarne une des manifestations des recompositions actuelles, il n’en fait pas le pivot des transformations en matière de gouvernance, préférant parler de « G-Plus World ». Cet environnement oblige les Occidentaux à reconnaître d’autres voix. Celles-ci se diffusent également dans les branches du savoir… C’est là que se situe le second décentrement à caractère scientifique. Les Relations Internationales en tant que domaine de recherche ont largement été objet d’une domination occidentale et en particulier anglo-américaine. Depuis de nombreuses années, Amitav Acharya a montré à quel point cette situation aboutit à un aveuglement. Les sources académiques sont bien plus variées que celles produites depuis 1919… Les expériences historiques sont bien plus diverses que celles offertes par les Etats modernes européens depuis la Renaissance… Il faut donc ouvrir notre compréhension du monde à d’autres séquences historiques et d’autres traditions de pensée. Les Relations Internationales au sens d’interétatiques n’épuisent plus la réalité. Il conviendrait d’observer les relations extérieures de n’importe quelle unité politique. Cette posture de recherche s’inscrit dans un programme plus large ayant comme visée épistémologique la constitution de Global IR.

Ces idées ont fait l’objet d’une présentation approfondie lors de la conférence donnée par Amitav Acharya au CERI le 11 septembre 2014. Avec son aimable autorisation, nous offrons ci après la retranscription ainsi que le diaporama attenant de son discours d’investiture lors du dernier Congrès de l’ISA qui s’est tenu à Toronto l’hiver dernier. Pour le chercheur français, ces perspectives rentrent parfaitement en résonance avec des pratiques et objectifs scientifiques qui caractérisent la production française et, notamment, le CERI.  N’est-ce pas là non plus le but que s’est fixé la nouvelle revue ERIS portée institutionnellement par notre centre ?

Lire la retranscription du discours.

Voir le diaporama.


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